En attendant, et avec l'ouverture de Vincennes qui se rapproche, je vais vous exposer le projet que j'ai imaginé pour Vincennes, toujours selon le concept de biozones géographiques orientées vers les “hotspots” de la biodiversité.
La superficie de Vincennes, 14 hectares, permet de présenter de plus gros animaux qu'à la Ménagerie dans de bonnes conditions. Je trouve que l'actuel projet est un peu déséquilibré au niveau de cet aspect. La décision de ne pas prévoir d'éléphant est juste et tout à l'honneur du Muséum, mais on remarque aussi l'absence de classes d'animaux très charismatiques et attractives comme les ours ou les grands singes. Les gros animaux prévus restent finalement en grande majorité des ongulés africains. Mais la réflexion est plus profonde que de chercher à intégrer des grands animaux apprécies du public dans une collection qui tient tout de même déjà la route.
Il s'agit plus de s'attacher à la justesse des bio-zones et à la présentation écosystèmes entiers fortement menacés et représentatifs des dangers pesant sur l'environnement afin de façonner un outil de sensibilisation du public extrêmement efficace et une infrastructure en phase avec les besoins d'élevage des animaux. Le Muséum ayant avant tout un but éducatif et scientifique, chaque zone sera aussi l'occasion d'aborder un aspect passionnant de l'écologie de ces environnements. Pour que mon propos soit plus parlant, je vais immédiatement exposer les différentes zones prévues ainsi que les problématiques évoquées dans chacune d'entre elle.
La forêt côtière de Taï en Côte d'Ivoire :
C'est la plus grande réserve forestière d'Afrique de l'Ouest et forme un ensemble avec d'autres aires protégées contiguës en Côte d'Ivoire et au Liberia. La forêt guinéenne forme une bande de plus en plus étroite avec une faune bien spécifique et différente en de nombreux points de celle du bassin du Congo.
Sont abordés comme problèmes écologiques celui de la viande de brousse et celui de la consommation outrancière de biens numériques et de ses conséquences dommageables (recyclage des ordinateurs en Afrique de l'Ouest, exploitation destructrice du coltan ect...). Les diverses espèces présentées illustreront comment les animaux se partagent les divers étages d'un même environnement.
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La forêt sèche de Kirindy Mitea :
Ce parc national situé sur la côte ouest de Madagascar est le dernier refuge au monde du rat sauteur géant de Madagascar. Inutile de vous expliquer à quel point la faune malgache est menacée afin de justifier cette zone.
Le trafic animalier ainsi que les problématiques agricoles dans les pays pauvres servent de fil conducteur dans cette zone. L'endémisme extrêmement élevé de la faune et de la flore malgache permettront d'expliquer les mécanismes d'évolution des espèces.
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La forêt de mousson des Nilgiri et Ceylan :
Les Ghats de l'Ouest sont une chaîne de montagnes au sud du plateau du Dekkan qui constitue la majorité du territoire indien. Les forêts tropicales qui y poussent sont isolées dans ces montagnes du reste du continent et abrite d'une part une forte concentration de grands animaux charismatiques de la faune indienne (éléphants, gaurs, tigres), et présente d'autre part de nombreuses espèces strictement endémiques à cette partie du globe. Elle partage cette caractéristique avec l'île de Ceylan qui a été regroupée avec elle au sein du même Hotspot car leur faune et leur géographie est comparable. Par conséquent, certaines espèces ou sous-espèces sri-lankaises mais disposant de cousins équivalents dans les Ghats occidentaux seront incorporés au plan de collection.
Quel pays illustre mieux les difficultés de cohabitation entre la faune et l'homme que l'Inde ? Cet immense pays en voie de développement peine à protéger sa faune si riche de la pression démographique. La relation proie-prédateur, et plus généralement le concept de chaîne alimentaire occupera également sa place dans cette biozone.
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Le désert du Karoo :
Avec le hotspot voisin “Aire floristique du Cap”, le désert du Karoo est un haut-lieu de la diversité des plantes à fleurs. Vincennes projette à la fois d'être un parc animalier mais aussi botanique. Le Karoo National Park a été un haut lieu de la translocation et de la protection des rhinocéros noirs en Afrique Australe. D'autres espèces emblématiques des semi-déserts d'Afrique australe s'y trouvent également. Les stratégies d'adaptation aux environnements désertiques sont abordées en lien avec les problèmes de désertification rencontrés dans le monde et plus spécialement en Afrique.
L’Afrique du Sud est un pays incontournable dans le domaine de la conservation animale puisqu'ils sont en pointe dans la gestion de la grande faune sauvage et qu'on y trouve pour l'instant le seul parc national rentable du monde (Ndlr : le parc Kruger). Les opportunités que peut apporter la création d'aires protégées mais aussi les dérives et problèmes posés constituent un sujet passionnant et polémique.
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Les îles Malouines :
Situées au large de la Terre de Feu, c'est un des rares endroits de la planète où l'action de l'homme ne s'est pas encore révélée trop destructrice. C'est une île indispensable à la reproduction de nombreuses espèces d'oiseaux avec certaines espèces dont la grande majorité des individus vivent aux Falklands (l'autre nom de cet archipel). Le public sera ici alerté sur l'impact que nous avons sur les écosystèmes marins à travers notre consommation de produits de la mer et la pollution marine. Les vertébrés présentés dans cette installation illustreront les adaptations au milieu aquatique. Des dispositifs pédagogiques expliqueront de manière plus large comment les environnements influent sur la morphologie des espèces.
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La forêt d'altitude de la Cordillère des Andes :
Appelée “Cloud forest” en anglais, ce milieu est vraiment différent des forêts tropicales de plaines. La diversité d'êtres vivants y est incroyable et différente d'une vallée à l'autre. Le parc de la Cordillera Azul au Pérou sera ici représenté avec sa faune vivant entre les vallées de San Martin, du Rio Maranon et les pentes orientales plongeant dans la forêt amazonienne. L'aspect spectaculaire du mode de vie des différentes classes zoologiques (amphibiens, primates, oiseaux, papillons) est très intéressant. Des espaces permettront à chacun de comprendre et d'évaluer à quel point nous sommes redevables de la nature dans notre quotidien. C'est en provenance de cette zone que certains de nos aliments de base sont originaires (pommes de terre, maïs, tomates) et la forêt tropicale constitue un coffre-fort de molécules encore méconnues par la science et qui feront la médecine de demain. Un aspect qui peut inciter à la protection des forêts tropicales...
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Le Cerrado :
Le parc national d'Emas dans l'état du Mato Grosso est une des dernières reliques de cette savane brésilienne classé comme un hotspot. Le faible nombre d'espèces est inversement proportionnel à l'importance de la problématique écologique abordée dans cette zone. Le Brésil est particulièrement représentatif des dégâts et des changements occasionnés par l'agriculture intensive et l'élevage intensif du bétail à destination des pays développés. L'importance des comportements alimentaires de chacun est fortement appuyée. Comme un clin d’œil, le restaurant du parc et son entrée principale se situent dans cette zone et invite le visiteur à s'initier à une alimentation respectueuse de l'environnement de la plus délicieuse et respectueuse des manières.
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Shark Bay :
La visite se clôture avec cette petite zone australienne principalement massée dans le bâtiment de sortie. L'Australie occidentale est un hotspot mi-terrestre mi-marin protégeant à la fois quelques marsupiaux extrêmement menacés et une barrière de corail certes moins impressionnante que celle de la côte orientale mais tout aussi riche. Les symbioses entre êtres vivants sont abordées sur le plan écologique. Lorsque l'on parle de réchauffement climatique, l'on pense plus facilement aux pôles et leurs étendues glacées plutôt qu'aux eaux turquoise de l'Océan Indien. Pourtant ces zones sont également fortement touchées lorsque l'on sait qu'une variation infime de la température de la mer suffit à faire mourir des pans entiers d'un récif corallien.
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Afin de présenter le projet, et en l'absence d'images de synthèse, mes descriptions s’appuieront sur les photos d'installations déjà existantes dont sont inspirées celles-présentes à Vincennes.
Les zones se répartissent ainsi sur la surface totale du zoo :
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-Gris : bâtiments
- Rouge clair : Taï
- Rouge foncé : Kirindy Mitea
- Marron : Nilgiri
- Orange : Karoo
- Bleu foncé : Falklands
- Vert foncé : Andes
- Vert clair : Cerrado
- Rose : Australie occidentale