Lettre ouverte à Sea Shepherd France et Hugo Clément
Sea Sheperd a annoncé en début de semaine l’intention d’une coalition anti-captivité nommée « Rewild », dont fait partie l’association de protection des océans, de racheter le Zoo de Pont-Scorff en Bretagne. Une vidéo de présentation du projet par Hugo Clément ayant permis le buzz, l’objectif de 600 000 euros vient d’être atteint. Rewild va donc devenir propriétaire d’un zoo, un cas unique pour une association anti-zoo qui suscite légitimement de nombreuses interrogations.
Je tiens d’abord à féliciter Sea Sheperd pour l’efficacité de cette campagne de communication et le succès de la récolte de fonds. Je les remercie également de donner de nouvelles perspectives d’avenir au zoo de Pont-Scorff. Car, contrairement à ce qui est sous-entendu dans la vidéo de présentation du projet, le zoo de Pont-Scorff est loin d’être représentatif des standards des parcs zoologiques français actuels. Son histoire récente est complexe et tortueuse : pendant plus de dix ans, le zoo a été totalement bloqué dans son développement par un grave conflit entre les enfants du créateur du parc, Pierre Thomas, au décès de ce dernier. Il y a deux ans, Pont-Scorff a été racheté par Sauveur Ferrara, homme d’affaires tirant sa fortune personnelle de cliniques pédiatriques et ayant racheté ces dernières années trois zoos français en difficulté financière dans le but de les développer. A Pont-Scorff, le rachat s’est très mal passé et le personnel s’est immédiatement opposé aux projets du nouveau propriétaire. Après deux ans d’impasse totale, de grèves et d’actions médiatiques de la part des soigneurs, M. Ferrara a préféré jeter l’éponge. Comme le souligne l'AFdPZ - Association Française des Parcs Zoologiques dans son communiqué, c’est donc un zoo à la situation sociale, animalière et financière très précaire que récupère Sea Sheperd. Il n’est pas exagéré de dire que Pont-Scorff est actuellement l’un des pires zoos du pays, très loin des exigences actuelles en terme de conditions de vie animales.
Notons que la vidéo de présentation s’attarde sur une panthère des neiges tournant en rond sur un petit périmètre, sans préciser qu’il s’agit de sa loge de nuit et non de son enclos principal. Les loges de nuit sont souvent utilisées dans les vidéos anti-zoos car ce sont par définition des espaces de petite superficie, mais il s’agit là d’une obligation légale : les animaux potentiellement dangereux ont obligation d’être rentrés la nuit dans des espaces couverts et fermés à clé pour des questions de sécurité. Il est dommage que la vidéo de Sea Sheperd utilise cette ficelle de manipulation pour apitoyer sur le sort des animaux du zoo de Pont-Scorff. Vu la taille restreinte de la majorité des enclos de ce zoo, il n’y avait pas besoin de faire croire que la panthère vivait en permanence dans cette loge de nuit.
La vidéo d’Hugo Clément appelle aux dons du grand public pour valider l’achat du zoo de Pont-Scorff, et la collecte est fixée à 600 000 euros. Sea Sheperd annonce avoir débloqué un budget d’urgence pour ce projet hors du commun. Un rapide coup d’oeil à la situation financière du zoo de Pont-Scorff est pour le moins inquiétant :
Déficit de Pont-Scorff: 2018: - 828.000€
2017: - 544.000€
2016: - 381.000€
2015: - 182.000€
2014: - 40.000€
2013: - 25.000€
source :
https://www.societe.com/societe/bretagn ... 36982.htmlDeux millions d’euros de déficit au total, sans les chiffres de 2019. Il faut donc avant toute chose combler le trou tout en assurant le quotidien de l’établissement, payer le personnel, nourrir les animaux, chauffer les bâtiments pendant l’hiver. Même avec un million d’euros de cagnotte, la situation financière sera toujours dans le rouge. Le zoo était sous perfusion et au bord de la liquidation judiciaire. Deux questions sont donc inévitables : Rewild s’apprête-t-il vraiment à acheter si cher une entreprise au bord de la faillite qui vaudrait normalement difficilement plus que l’euro symbolique ? Quelle somme conséquente est à disposition de Sea Sheperd et ses camarades pour solutionner ce problème économique ? Dans l’attente de plus de détails sur le projet financier, il semble que Sea Sheperd demande à ses soutiens de devenir victimes d’une arnaque en payant une forte somme pour un établissement qui n’en vaut pas le dixième.
Les projets pour transformer le site de Pont-Scorff sont également très ambitieux : hébergements insolites, animations en réalité virtuelle… Tout cela coûte encore énormément d’argent.
Au passage, n’est-il pas paradoxal de mobiliser des fonds et de racheter cher un zoo à un homme d’affaires qui a mené son établissement à la ruine ? N’est-ce pas finalement encourager et récompenser ses actions que de lui verser une telle somme ? Pour M. Ferrara, cette cagnotte est inespérée ! Que fera-t-il de cet argent ? Comment s’assurer qu’il ne va pas racheter un autre zoo dans la foulée ou utiliser cet argent pour accueillir plus d’animaux dans un de ses deux autres zoos ? Cette action me fait penser à ces Français que j’ai rencontré en voyage et qui voulaient « aller au marché d’animaux racheter tous les oiseaux aux trafiquants pour les relâcher ». Le genre de fausse bonne idée qui au final, contribue à faire perdurer ce qu’elle est sensée combattre.
Passons sur ces questionnements économiques épineux pour s’attacher à l’objectif éthique de ce projet. Le but affiché de cette acquisition est de relâcher les animaux du zoo de Pont-Scorff dans la nature, ou tout au moins dans des refuges dans leur pays d’origine.
Cette initiative qui paraît très louable sur le papier se heurte à une réalité complexe.
Réintroduire un animal dans la nature, il n’y a pas plus fort symbole de liberté. Et si c’était aussi simple, les zoos adoreraient le faire bien plus pour quasiment tous leurs animaux. En effet, en parc zoologique, la mortalité infantile des animaux étant faible, les populations augmentent tellement vite qu’aujourd’hui, à échelle internationale, les zoos font face à un manque de place pour leurs animaux qui se reproduisent trop bien. Pour éviter une surpopulation qui entraînerait évidemment du mal-être, la reproduction de nombreuses espèces est freinée. Contraceptifs, séparation des mâles et femelles, voire dans certains parcs notamment en Europe du nord, euthanasie des jeunes en surplus (une problématique bien connue de Rewild qui n’hésite pas à rappeler sans cesse le sujet sur les réseaux sociaux).
Croyez bien qu’aucun zoo ne stérilise ou ne tue par plaisir, et qu’il serait bien plus commode et attractif d’un point de vue commercial d’avoir plein de bébés animaux mignons tout le temps pour ensuite les relâcher dans la nature. Car c’est une évidence, une réintroduction est toujours très positive pour l’image d’un parc zoologique. Relâcher des animaux dans la nature, c’est une fierté et une excellente action de communication. Voyez le cas du Zoo de Beauval qui a envoyé deux femelles gorilles en Afrique cette année (
https://actus.zoobeauval.com/article/pr ... -gorilles/). Non seulement la réintroduction est positive pour la survie de l’espèce, mais c’est aussi et surtout un formidable sujet médiatique permettant d’attirer l’attention de la presse et du grand public, et ainsi de mobiliser des soutiens et dons pour d’autres projets. Tout le monde a envie d’aller dans un zoo qui relâche des animaux dans la nature ! Donc par définition, si les zoos pouvaient si facilement réintroduire des individus dans la nature, ils le feraient bien plus souvent tant cela leur est profitable à tout point de vue.
Malheureusement, ce n’est pas si facile ni évident. Comme le souligne l’Association Européenne des Zoos et Aquariums (EAZA) dans son communiqué, un animal né en zoo depuis des générations (ce qui est le cas de la grande majorité des individus en zoos européens, le commerce d’espèces menacées pour les zoos étant interdit depuis plus de trente ans) n’est absolument pas apte à retrouver la vie sauvage.
Une réintroduction dans la nature est toujours le fruit d’années de travail en amont, à la fois en parc zoologique et dans le milieu naturel. La plupart du temps, les animaux de zoo ne sont pas directement voués à eux-mêmes mais sont placés dans de grands enclos, sur le territoire de réintroduction, où ils sont coupés de la présence humaine et apprennent petit à petit à se débrouiller seuls, et leur descendance sera apte à vivre dans la nature.
Une réintroduction est donc un processus complexe et coûteux en temps et en argent, comme le rappelle l’EAZA, et ne se fait donc que dans des situations bien précises et identifiées par des études de terrain. Le document PDF sur les « Bonnes pratiques de réintroduction-translocation d’espèces » édité par l’Union Internationale de Conservation de la Nature (IUCN) dit clairement la complexité de ces projets :
https://portals.iucn.org/library/efiles ... 2RGEFbNhiYLà encore, d’où viendront les fonds pour toutes ces étapes essentielles à tout processus de réintroduction ?
A notre époque de crise mondiale de la biodiversité, le principal frein à la réintroduction d’animaux sauvages est tout simplement le manque de place. Avant les espèces, ce sont leurs espaces qui disparaissent sous l’effet de la déforestation, de la pollution ou de l’artificialisation des sols.
Pour reprendre l’exemple de la panthère des neiges, voilà un cas passionnant d’une espèce charismatique et singulière, le fantôme de l’Himalaya récemment mis en lumière par les livres de Vincent Munier et Sylvain Tesson partis l’observer dans son habitat naturel. La panthère des neiges est protégée depuis trois décennies par une ONG particulièrement engagée et efficace, le Snow Leopard Trust dont le spectre d’actions est très large : étude de la biologie de l’animal par la pose de pièges photos et de caméras infrarouges, travail de sensibilisation auprès des gouvernements et des populations himalayennes, soutien aux bergers pour la protection de leurs troupeaux contre les attaques et développement d’activités écotouristiques pour créer des apports financiers compensant l’arrêt du commerce de la fourrure, financement de rangers et scientifiques…
Grâce à ces efforts, la panthère des neiges est passée d’une espèce « En danger » à une espèce « Vulnérable » et bien que la lutte ne soit pas gagnée, le Snow Leopard Trust est clairement l’une des plus efficaces ONG de protection de la nature au monde. Précisons d’ailleurs que son budget annuel est essentiellement couvert par les dons des zoos du monde entier qui accueillent des panthères des neiges et contribuent financièrement et humainement à sa protection (
https://www.snowleopard.org/about/partn ... 2RGEFbNhiY).
Pourtant, après presque quarante ans d’action, aucune panthère des neiges de zoo n’a été relâchée dans la nature. Pourquoi ? Parce que le Snow Leopard Trust est géré par des professionnels de terrain sérieux, qui savent qu’il serait bien trop coûteux et totalement contre-productif à l’heure actuelle de vouloir imposer aux populations pastorales de l’Himalaya la réintroduction du prédateur principal de leurs troupeaux. Il suffit de voir les tensions suscitées en France par le retour de l’ours…
Les zoos du monde entier gèrent donc un Programme d’Elevage de la panthère des neiges avec les individus en captivité, dans le cas où la situation permettrait un jour une réintroduction, et soutiennent par d’autres biais la protection de ce magnifique félin.
Dans la vidéo de présentation, Rewild tempère rapidement le postulat initial en disant que les réintroductions se feront « au cas par cas, quand c’est possible. » Une manière de se protéger et d’anticiper le probable très faible pourcentage d’animaux qui seront réellement relâchés.
Depuis plus de trente ans donc, les zoos internationaux ont créé un système de Programmes d’Elevage pour les espèces en danger (nommés SSP en Amérique, EEP en Europe). Ces programmes consistent en la gestion scientifique du cheptel en captivité, avec pour chaque espèce un coordinateur chargé de former les couples, les groupes, de décider quel individu ira dans quel parc se reproduire ou non avec qui afin de garder une diversité génétique optimale et d’éviter la consanguinité ou la surpopulation. Les individus appartiennent à ce programme d’élevage, chaque zoo n’a pas le pouvoir de « posséder » un animal ou de décider de le garder. Aucune valeur monétaire n’est ainsi attribuée aux animaux pour des raisons éthiques. Les individus circulent de parc en parc pour le bien du programme d’élevage, sans achat ni vente.
Sea Sheperd va-t-il aller au conflit avec tout un réseau d’institutions zoologiques (auquel participent également des universités, des éleveurs privés spécialistes et des refuges de faune sauvage) en relâchant des animaux ne lui appartenant pas ? Risquant ainsi de soustraire à ces programmes d’élevage des individus à la génétique potentiellement importante ? Je ne peux évidemment pas croire à un tel manque de professionnalisme.
Sur le papier, il sera possible pour Sea Sheperd d’aller au-delà des EEP. Car là encore, pour des raisons de législation et de responsabilité, chaque animal doit avoir un « propriétaire » physique responsable en cas d’incident. Les animaux du zoo de Pont-Scorff sont donc probablement sur le plan de la loi propriété du zoo. Mais éthiquement et tacitement, tous les animaux d’un programme d’élevage en sont des acteurs importants pour le maintien de ce cheptel et sa diversité.
Une solution évidente et logique, déjà réalisée à plusieurs reprises par l’ONG One Voice faisant partie du collectif Rewild, est de transférer les plus gros animaux, ceux pour lesquels les conditions de vie au zoo de Pont-Scorff sont très mauvaises, vers des établissements bénéficiant de plus de place. Le choix ne manque pas dans notre pays ! Outre le refuge Elephant Haven, European Elephant Sanctuary - EHEES en cours de création dans le Limousin et qui semble la destination parfaite pour les éléphants d’Asie de Pont-Scorff, il existe nombre de parcs zoologiques offrant à ses pensionnaires des immenses territoires naturels. En Seine et Marne, Le Parc des Félins de Nesles se compose d’immenses enclos de plusieurs hectares pour ses fauves, dont certains ont été récupérés chez des trafiquants ou issus de saisies. Le CERZA Parc des Safaris en Normandie s’étale sur 60 hectares dont 2 hectares pour des ours bruns. La Vallée des Singes siège du Conservatoire pour les primates, une ONG agissant sur trois continents à la conservation d’espèces de singes en voie de disparition, accueille des primates sur de vastes parcelles de forêt. Tous ces établissements, et bien d’autres, sont investis dans la sauvegarde de la biodiversité et seraient à même d’offrir aux animaux de meilleures conditions de vie qu’à Pont-Scorff, mais auront-ils la place pour les accepter ?
En effet, contrairement à ce qui est clamé dans la vidéo de présentation du projet, l’équipe de Rewild ne serait pas du tout « les seuls » à se spécialiser dans l’hébergement d’animaux victimes de trafic. C’est même tout le contraire : rares sont les zoos français qui n’ont pas au moins un individu confié par la police ou les douanes. Le trafic animal est l’un des plus graves au monde. Chaque année, des milliers d’animaux, tortues, reptiles, oiseaux, poissons sont saisis dans les aéroports internationaux que sont Roissy, Amsterdam ou Bruxelles. Si certains retrouvent la nature, beaucoup sont trop endommagés et finissent leur vie en parc zoologique. Le Zoo De Saint Martin La Plaine a créé un centre, Tonga Terre d'Accueil, pour abriter des animaux de trafic ou de cirques (
https://association-tonga.com/nous-soutenir.html). Près de Paris, un parc animalier nommé « La Tanière - Zoo Refuge » ouvrira en 2020, avec comme objectif d’accueillir des animaux saisis dans des cirques ou chez des particuliers (
https://www.lataniere-zoorefuge.fr/). Et je ne parle pas des vivariums des zoos français, remplis de serpents, tortues ou lézards placés par les douanes…
Donc, le fait de créer un nouveau lieu d’accueil pour ces individus est très louable et répond à un réel besoin, mais n’est en aucun cas une idée nouvelle ou une exclusivité.
Dans son communiqué, l’EAZA pointe du doigt la pertinence d’engager de tels fonds dans le rachat d’un zoo à une ère de crise de la biodiversité, où chaque denier compte pour la sauvegarde d’espèces menacées. Il est vrai que je ne peux m’empêcher de penser à la situation dramatique des refuges de faune sauvage en France, qui se sont vus pour beaucoup couper leurs financements par le gouvernement et les politiques locaux. Je pense à L'Hirondelle, centre de soins pour animaux sauvages dans la région lyonnaise ou à Hegalaldia - Centre de Sauvegarde de la Faune sauvage 64 dans le Pays basque, comme tant d’autres (
https://csol.fr/2019/09/30/une-fermetur ... -cagnotte/). Ne serait-il pas plus pertinent de soutenir la pérennisation de centres déjà existants, employant du personnel et mobilisant une communauté locale, plutôt que d’en créer un nouveau à Pont-Scorff ? Que vont penser ces autres centres de soins à travers le pays, qui ont toutes les peines du monde à boucler leur budget, de voir à quelle rapidité Sea Sheperd parvient à réunir 600 000 euros pour un projet dont les objectifs annoncés seront si difficiles à tenir ?
J’estime beaucoup l’ONG Sea Sheperd, que je soutiens depuis longtemps, et que je crois sincère dans ce projet. Ses actions de protection de l’océan sont connus de tous, la réputation de l’association n’est plus à faire. Ce n’est pas le cas malheureusement de tous les acteurs de « Rewild », dont les faits d’armes se limitent pour le moment à un stand tenu lors du festival Climax à Bordeaux l’année dernière, et un article sur les réseaux sociaux évoquant la possibilité de porter plainte contre le zoo de Maubeuge lorsque celui-ci s’est fait dérober une panthère noire il y a quelques mois. Le trafic des animaux sauvages étant de plus en plus intense, aucun parc zoologique n’est malheureusement à l’abri d’un vol bien organisé. Si le zoo de Pont-Scorff se fait dérober un animal dans les mois qui viennent, Rewild va-t-il porter plainte contre lui-même ?
Plus sérieusement, un acteur visiblement important du projet Rewild, pourtant totalement absent de la vidéo de présentation du projet, soulève de grandes interrogations. Il s’agit du « Biome » dirigé par Jérôme Pensu, autoproclamé « station d’élevage pour espèces menacées ». Dans le Sud-Ouest d’où je suis originaire, le Biome est un serpent de mer bien connu. Cela fait plus de quinze ans que M. Pensu cherche à ouvrir son établissement zoologique dans la région des Landes. Le projet a changé plusieurs fois de localité et d’équipe (pendant des années, Enrique Petit était présenté comme co-fondateur du projet, jusqu’à ce qu’il ne disparaisse des dossiers, remplacé par Pierre Douay) et le Biome n’a jamais réussi à passer au stade de la réalisation. M. Pensu n’a donc rien du profil d’un farouche anti-zoo. Au contraire, il a longtemps rêvé de faire partie de cet univers, prévoyant d’ouvrir au public son établissement, espérant 200 000 visiteurs par an et envisageant d’adhérer à l’EAZA. Au lieu de détailler les aberrations du Biome, je renvoie à cet article très complet d’un observateur local relevant à quel point ce projet était illusoire économiquement, socialement et zoologiquement parlant :
http://place.de.montreuil.free.fr/blog/ ... 3ZDXfTdu2AAujourd'hui, si le Biome s'affiche sur la page de Rewild comme station d'élevage et Jérôme Pensu comme un spécialiste national de la faune sauvage, le site internet du Biome est au point mort depuis deux ans et aucune information n'est disponible sur l'avancée du projet. La fédération de chasse des Landes, qui gère le refuge de faune sauvage ALCA TORDA où travaillait précédemment M. Pensu et sur le site duquel le Biome devait s'installer, ne veut plus entendre parler de ce projet et refuse publiquement d'y être associé. Où est donc cette station d'élevage, quels sont les animaux élevés par le Biome et quels sont les résultats concrets et factuels de cet organisme ?
Il me paraît crucial de répondre à ces interrogations car M. Pensu s'affiche désormais sur sa page Facebook comme "à la tête d'un zoo" et tout porte à croire qu'il a des responsabilités importantes dans l'organigramme de Rewild. Ce monsieur n'a pas de mots assez durs contre le milieu des parcs zoologiques, après avoir essayé pendant des années d'en faire partie. Plus d'une décennie à porter un projet dont le fond et la forme étaient trop faibles pour être pris au sérieux par des décisionnaires et des collectivités publiques a visiblement rempli M. Pensu d'aigreur et nul doute qu'il jubile désormais d'arriver à son objectif de diriger un zoo. Espérons qu'il saura le faire aussi bien qu'il prétend savoir le faire et en toute honnêteté. Fut un temps où la page Internet du Biome annonçait une liste de soutiens de la communauté scientifique, dont certains comme la biologiste brésilienne Patricia Médici qui n'avaient en fait jamais été contactés et ne connaissaient même pas l'existence du projet.
Je n'écris pas ce long article pour défendre les parcs zoologique ou prouver leur importance dans la conservation d'espèces menacées. Ce fait est établi depuis longtemps et reconnu, d'autres l'ont écrit avant moi (
http://theconversation.com/in-defence-o ... tion-56719), des institutions comme l'Union Internationale de Conservation pour la Nature, le WWF ou les Nations Unies ont intégré les zoos parmi les acteurs de la sauvegarde de la biodiversité.
Des personnalités scientifiques comme Jane Goodall ou David Attenborough travaillent en partenariat avec des parcs zoologiques, et la liste des ONG travaillant sur le terrain à la protection d'une espèce rare, comme le Snow Leopard Trust déjà évoqué, Kalaweit France en Indonésie pour les gibbons, le Red Panda Network, l'Association de Sauvegarde des Girafes du Niger, et d'autres partout dans le monde, comptent parmi leurs mécènes, leurs partenaires et leurs soutiens des parcs zoologiques. Au passage, toutes ces ONG seraient ravies d'obtenir des soutiens financiers et une mise en lumière équivalente à la diffusion de la vidéo du projet de Rewild.
Personne ne dit que tous les zoos font du bon travail, ni que les zoos vont à eux seuls sauver la biodiversité. Au contraire. Mais ils sont des acteurs de ce que les anglophones appellent la "bigger picture", l'action à large échelle, un rouage de la conservation des espèces en partenariat avec des ONG de terrain, des universités, des biologistes, des gouvernements, des collectivités locales et des spécialistes. C'est ce que j'ai expliqué dans une vidéo postée aujourd'hui sur Youtube (
https://youtu.be/LxIBSk20Vc0 )
J'écris cet article pour féliciter Sea Sheperd et ses partenaires pour leur qualité de leur action médiatique, prouvant qu'ils peuvent mobiliser énormément de soutien et de moyens pour une cause. C'est un bel espoir pour d'autres combats environnementaux qui mériteront une telle mise en lumière à l'avenir. Je pense notamment à la protection de notre biodiversité française, encore fragile et menacée et si peu prise en compte par la politique de notre gouvernement actuel. Malgré cela, des bonnes nouvelles existent avec notamment des programmes de réintroduction efficaces concernant des espèces aussi variées et méconnues que les vautours fauves, les aprons du Rhône, les grandes outardes, les cistudes, les criquets de Crau ou encore les escargots arboricoles de Polynésie... Tous ces programmes de sauvegarde étant menés par des parcs zoologiques.
Mais j'écris également cet article pour mettre en garde Sea Sheperd et alerter le grand public sur la complexité de la situation du zoo de Pont-Scorff et les difficultés inévitables à la réalisation des objectifs de relâcher les animaux du zoo dans la nature. Certains acteurs de Rewild semblent par ailleurs porteurs de moins belles intentions que ne le promet la vidéo de présentation et jespère que Sea Sheperd ne fait pas involontairement entrer le loup dans la bergerie.
J'habite à Pessac dans la métropole bordelaise où est basée l'ONG Rewild, je suis diplômé d'un Master en Ecologie-Gestion de la Biodiversité Aquatique et Terrestre et ai travaillé aussi bien pour des espaces naturels protégés en France et à Madagascar que pour certains parcs zoologiques, j'illustre donc bien la porosité qui existe actuellement entre ces deux univers et espère prouver que la nature est actuellement bien aidée par les zoos et qu'affecter les uns fera du tort aux autres.
J'écris ce mail depuis l'Amérique du sud où je suis actuellement en voyage pendant plusieurs mois pour observer et filmer les espèces animales menacées de ce continent. Hier, j'ai pu admirer pour la première fois de ma vie les loutres géantes en Amazonie péruvienne. J'étais dans la Reserva Nacional Tambopata - Sernanp, un espace protégé dont la gestion est en partie assurée par la Frankfurt Zoological Society (
https://peru.fzs.org/en/projects/giant-otter/).
Ce même jour, drôle de coïncidence, l'association CLT - The Conservation Land Trust -Rewilding Argentina annonçait qu'une loutre géante du zoo danois de Givskud allait quitter son établissement pour participer à un programme de réintroduction de l'espèce dans la région de Corrientes, au nord de l'Argentine, où l'espèce a disparu. Ce ré-ensauvagement ("rewilding" en anglais) se fait après dix ans de travaux d'étude sur le terrain et plus de 150 000 euros d'investissement dans cette réintroduction. D'un côté le Pérou et l'Argentine, de l'autre l'Allemagne et le Danemark. Des sites naturels fragiles, des espèces en danger, des établissements zoologiques qui les soutiennent.
J'espère des résultats aussi probants et un travail aussi sérieux par Rewild et Sea Sheperd.