L'homo sapiens de Caunes

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L'homo sapiens de Caunes

Messagepar didier » Mercredi 12 Août 2009 18:05

Les plus anciens se souviendront peut-être de cette histoire ...

L'aventure commença dans un restaurant de La Palmyre, le 14 juillet 1990. Georges, 69 ans, y déjeunait entouré de sa famille dont Antoine, 37 ans, qui faisait alors le pitre sur Canal+ et Emma, 14 ans, adolescente et déjà craquante. L'ami Claude Caillé, le directeur du zoo, était naturellement de la tablée ainsi qu'une poignée de journalistes.

Devant une douzaine d'huîtres de Marennes, le reporter le plus anticonformiste de l'ex-ORTF semblait y prendre son dernier repas avant la traversée du Sahara d'est en ouest, l'ascension de l'Everest sans oxygène ou le tour du monde à la rame sans escale. L'homme étant coutumier des initiatives les plus incongrues, on pouvait s'attendre à tout de sa part.

N'avait-il pas déjà parcouru le grand Nord avec Paul-Émile Victor, suivi les chercheurs d'or en Amazonie, été volontairement abandonné dans une île déserte pendant plus d'un an ?

Pourtant, la vraie fausse conférence de presse avec, au menu, brochettes de lotte, sorbet et verre de Saint-Émilion, n'avait rien d'une veillée d'armes. Car, pour une fois, l'iconoclaste reporter ne risquait pas grand-chose dans son aventure.
Sauf peut-être le ridicule mais la suite nous prouva que non. Il allait certes s'isoler comme dans les Marquises, mais tout près du restaurant où nous déjeunions et au milieu de la foule estivale : au zoo.

Qui regarde qui ?

L'hôte des lieux, Claude Caillé, lui avait réservé une petite île pour qu'il ne soit pas trop dépaysé. Avec un grillage pour se protéger des obèses en bermuda et tongs, deux arbres pour tendre son hamac et une cabane. Les résidents habituels du site étaient partis faire les singes ailleurs cependant qu'un panneau indiquait aux visiteurs du zoo comment identifier le nouvel animal du parc : « Homo sapiens sapiens, omnivore ».

Là, Georges de Caunes passa les vacances les plus farfelues de sa longue carrière de journaliste.

Qui regarde qui ? C'est la question qu'il se posera pendant les douze jours que dura l'expérience.

Simplement là :

Lui observait les touristes le regardant et songeait aux orangs-outangs, chimpanzés et autres cousins primates qui vivaient cette situation 365 jours sur 365. Quand il ne prenait pas des notes pour faire oeuvre d'ethnologue, il lisait : « Les Confessions d'un enfant du siècle » de Musset, « L'Insoutenable légèreté de l'être » de Kundera et l'incontournable « Singe Nu » de Desmond Morris.

Non Georges de Caunes n'aurait pas poussé la provocation jusqu'à se présenter dans le plus simple appareil devant ceux (les appareils) des vacanciers. Il était simplement là, entre les guépards du Kenya et les Rhinocéros de Tanzanie, entre le tigre du Bengale et le gorille du Rwanda, allongé dans son hamac et flanqué de son fidèle chien. Deux mammifères parmi les mammifères.

Sa seule contrainte : le rendez-vous de 20 h 30 en direct sur TF1 avec Patrick Poivre-d'Arvor. Il y racontait sa journée en quelques secondes, tout en commentant l'actualité nationale ou internationale. Les questions de l'entrée de l'Allemagne dans l'Otan ou de la dette de 80 milliards de dollars de l'Irak vues de l'île aux singes à La Palmyre prenaient une tout autre dimension.

« Il y en avait qui se moquaient de lui, jetaient des cacahuètes, lui demandaient s'il voulait des bananes. D'autres restaient admiratifs. Surtout des personnes âgées qui l'avaient connu à la télévision. Lui restait impassible. Il les regardait, assis, le plus souvent les jambes croisées », raconta Claude Caillé lors de la mort de Georges de Caunes en 2004.

Il avait été le complice du journaliste pendant sa réclusion volontaire, lui faisant porter régulièrement des fruits pour se nourrir.

Stoïcisme :

« J'ai été stupéfait de voir qu'il tenait le coup, dormant sur place, ne se cachant dans sa cabane que pour faire ses besoins dans un seau hygiénique », poursuivit Claude Caillé.

Il faut dire, pour être complet, que Georges de Caunes avait déjà fait un essai infructueux deux ans plus tôt dans l'île aux gibbons. Trop près des touristes, donc trop accessible, et obligé de répondre aux questions des curieux, il avait dû renoncer au bout de quelques jours.

Fort de l'expérience acquise en 1988, il avait, cette fois, pris des garanties anti-vacanciers : une distance respectable comme pour les grands fauves et un principe : ne pas répondre aux provocations des petits malins qui croient intelligent d'exciter les animaux.

Un peu ermite, un peu philosophe, Georges se retrancha donc dans un stoïcisme de bon aloi. Il convenait de faire bonne figure pour les caméras de TF1 et le reste du temps de composer avec le temps qui passe, comme un grand gorille dos argenté qui en a vu d'autres et vous toise de son regard las. Il fit ça fort bien. La nuit, les lions rugissaient, les loups hurlaient et Georges souriait de tous ces défis qu'il s'était lancés depuis quarante ans.

Et quand il ferma sa cabane pour regagner le monde civilisé, il dit simplement à Claude Caillé : « Tes gorilles sont plus intelligents que les hommes. »

source : http://www.sudouest.com/charente-mariti ... 77513.html
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