(Zoo de Mulhouse) Réintroduction : l’envol des ibis chauves
Le mois dernier [septembre 2017], sept jeunes ibis chauves nés au parc zoologique et botanique de Mulhouse (ont été emmenés par deux soigneurs dans le sud de l’Espagne, jusqu’au site de réintroduction du Proyecto eremita. D’ici quelques mois, ils retrouveront la liberté. Explications sur le pourquoi et le comment des réintroductions dans la nature d’animaux nés au zoo.
C’est la région à la pointe de l’Andalousie, face au Maroc. C’est là que sept jeunes ibis chauves (Geronticus eremita), nés en 2016 et 2017 au parc zoologique et botanique de Mulhouse, ont été transportés le 12 septembre dernier. Au printemps prochain, après quelques mois passés dans une grande volière, ces grands oiseaux au bec courbé, au look punk et au plumage sombre devraient être relâchés dans le cadre du programme de réintroduction de l’espèce en Andalousie, le Proyecto eremita, mené par le Zoobotanico de Jerez.
Sept oiseaux nés en captivité retrouveront donc la liberté et leur milieu naturel. Ils ne sont pas les seuls : cette année, quatre zoos au total ont envoyé des ibis dans le sud de l’Espagne. « En 2014, nous avions déjà envoyé cinq jeunes ibis chauves en Andalousie, pour qu’ils soient réintroduits, indique Brice Lefaux, le directeur du parc zoologique et botanique de Mulhouse. Avant, on alimentait la population en parcs zoologiques et maintenant qu’elle est stable et viable, on peut envoyer des individus pour la réintroduction. »
Une dizaine de couples déjà installés
Disparu d’Europe il y a trois cents ans, l’ibis chauve est classé en danger critique d’extinction par l’UICN (Union internationale pour la protection de la nature). « Les populations résiduelles les plus importantes se trouvent au Maroc et entre la Turquie et la Syrie, mais là-bas les événements récents ont décimé la population, poursuit Brice Lefaux. C’est un animal qui était migrateur, mais qui maintenant ne bouge plus beaucoup. Le zoo d’Innsbruck, en Autriche, avait lancé un projet pour lui réapprendre à migrer. Ils ont constitué une population en Autriche mais elle y est restée. » L’idée du Proyecto eremita, lancé en 2003, était « d’implanter une colonie qui ferait le lien entre le continent européen et la population marocaine, pour permettre des échanges génétiques ».
« Pour cette réimplantation, plusieurs options ont été étudiées, poursuit Brice Lefaux. Celle de grandes volières, où les oiseaux « restent un peu entre eux et s’habituent à la nourriture », a été choisie. « Cela permet de stabiliser la population et de faire un grand relâcher au cours du printemps. » Lorsqu’on ouvre la volière, les oiseaux se mêlent aux individus sauvages. « Il y a des pertes mais une dizaine de couples sont déjà installés maintenant. Les ibis survivent assez facilement, mais les voitures et les pesticides leur sont néfastes, il y a un gros travail à faire sur les populations locales… »
Premières réintroductions : celles des vautours
Les ibis chauves font partie des rares espèces présentes au zoo de Mulhouse dont des individus ont permis d’étoffer des populations sauvages. Ils ne sont cependant pas les seuls. Le parc mulhousien participe également à la réintroduction des tortues cistudes. Et les premières réintroductions d’animaux nés au zoo de Mulhouse ont été celles de deux espèces de vautours, les fauves et les moines : en 1990 pour un premier vautour moine, en 1996 pour le premier fauve, d’abord dans les Baronnies (Drôme), puis dans les Balkans. Le zoo a relâché au total cinq de ses oiseaux (deux moines et trois fauves).
« La population sauvage de vautours fauves qui a le mieux résisté jusqu’à présent est en Espagne et l’idée, avec ces réimplantations, est de créer un arc qui aille d’Espace aux Balkans, explique Brice Lefaux. Entre quatre et cinq individus sont réintroduits par an. Notre dernier envoi d’un vautour fauve remonte à 2014. Tout individu de cette espèce naissant à Mulhouse a pour vocation d’être réintroduit… » Les vautours moines sont généralement envoyés dans un deuxième temps car la présence de leurs cousins fauves les attire.
Les vautours ont longtemps été persécutés par les éleveurs qui les accusaient de tuer les moutons et les vaches. Or, ces grands oiseaux sont des charognards, indispensables dans la chaîne alimentaire mais inoffensifs pour tout être vivant. Le zoo en apporte la preuve en faisant cohabiter dans un enclos des vautours moines et des moutons d’Ouessant – lesquels ne se sont jamais plaints de leurs colocataires au bec crochu. Un argument de plus pour la réintroduction…
Source : L'Alsace.