Lors d'un vaste parcours français en juillet 2008, j'ai eu la chance de revoir Emmanuel Mouton à Calviac-en-Périgord en Dordogne. Passionné de faune, Emmanuel a travaillé dans plusieurs parcs zoologiques français et a été chef-animalier à la Ménagerie du Jardin de Plantes de Paris pendant près de deux ans. Il a également effectué la formation en gestion des espèces menacées de l'International Training Centre du Zoo de Jersey (Royaume-Uni).
Après de multiples échanges écrits, Emmanuel et moi nous étions rencontrés en août 2004. C'est à cette occasion que j'en avais appris un peu plus à propos de son projet de réserve zoologique et je me souviens que nous en avions longuement conversé. A l'époque, son projet devait s'implanter près de Mons, en Provence, mais c'est finalement au cœur du Périgord Noir qu'Emmanuel a décidé de se lancer dans l'aventure. C'est là, en effet, qu'il découvre en 2005 une propriété en vente, située au lieu-dit Sous le Roc, à une dizaine de kilomètres de Sarlat la Canéda. Emmanuel est tout de suite séduit par le charme du lieu, ses falaises d'un blond doré, ses forêts de chênes verts, de chênes pubescents, de charmes et de châtaigniers, la maison en pierres bâtie contre la roche... De plus, la région, très touristique, est propice à l'implantation d'un parc zoologique.
Après une longue phase administrative débutée en 2006, les travaux d'aménagements de la future Réserve Zoologique de Calviac peuvent commencer en 2007. Emmanuel Mouton a pour projet de créer un parc entièrement voué à la conservation des petites et moyennes espèces menacées de disparition. Sous le Roc, englobant trois hectares étagés en larges terrasses, est particulièrement propice à la création de zones géographiques et à la présentation d'animaux. Tout le projet, à l'instar de la philosophie d'Emmanuel, a été fortement marqué par les idées et les réalisations de Gerald Durrell, créateur du Zoo de Jersey, et de Jacques Bouillault, créateur du Parc Zoologique du Tertre Rouge à La Flèche, qui sont devenus de véritables mentors pour Emmanuel.
Au printemps 2008, après dix mois de travaux et d'aménagements, et après la formation d'une équipe de cinq permanents, l'ouverture de la Réserve Zoologique de Calviac peut enfin être fixée au 21 juin. Les premiers animaux sont accueillis peu à peu en provenance de zoos de toute l'Europe. Malheureusement, mi-juin, lors d'un violent orage, un tapir terrestre, tout juste arrivé à Calviac, réussit à s'enfuir de son enclos et est entraperçu à plusieurs reprises sur les rives de la Dordogne pendant une semaine avant d'être capturé et de réintégrer son enclos. Cette péripétie n'est pas sans rappeler d'ailleurs celle que connut Gerald Durrell plusieurs décennies plus tôt, événement relaté dans Un zoo dans ma maison. L'ouverture de la Réserve Zoologique de Calviac dut donc être reportée de quelques jours, surtout du fait du retard accumulé dans la réalisation des finitions alors que toute l'équipe était à la poursuite du tapir pendant plusieurs jours. Une seconde évasion eut malheureusement lieu à peine quelques jours plus tard, le 23 juin, reportant définitivement l'ouverture de plusieurs semaines. Il s'agissait, cette fois, d'un glouton mâle qui a escaladé l'enceinte de son enclos malgré toutes les protections électrifiées. C'est aussi dans ces moments difficiles que tout le soutien de la population locale et des politiques, tous très favorables au projet d'Emmanuel Mouton, s'illustra encore une fois. En parallèle des recherches pour retrouver cet animal, l'équipe de la réserve s'attela tout de même à effectuer les finitions pour pouvoir accueillir le public rapidement et l'ouverture officielle eut lieu finalement le 3 août 2008.
Comme précité, la visite de la Réserve Zoologique de Calviac traverse quatre zones biogéographiques : l'Europe et son bassin méditerranéen, Madagascar, l'Amérique du Sud et enfin l'Océanie. La plupart des enclos ont été réalisés avec un soin très particulier et s'intègrent à merveille dans le cadre naturel de Sous le Roc. Dès l'entrée par exemple, une falaise rocheuse est le lieu de vie d'une colonie d'ibis chauves (Geronticus eremita). La zone européenne inclut également une présentation de sousliks (Spermophilus citellus), dont l'enclos n'était pas encore terminé lors de mon passage en juillet et dont l'arrivée a finalement été repoussée à 2009, un enclos boisé pour visons d'Europe (Mustela lutreola), une volière pour effraies des clochers (Tyto alba) et le fameux enclos des gloutons (Gulo gulo). Les anciennes bâtisses, maison d'habitation, grange, étable et four à pains, qui se trouvent à ce niveau, constituent le point central du parc. Un salon de thé et une boutique y ont, entre autres, été aménagés.
La seconde zone, consacrée à Madagascar, est particulièrement réussie. Après avoir traversé un écran de bambous, le visiteur découvre deux très vastes volières que le visiteur peut traverser. La première, nommée La Forêt des Esprits, abrite des lémurs à ventre roux (Eulemur rubriventer) et un couple de sarcelles de Bernier (Anas bernieri) ; la seconde est le lieu de vie de lémurs couronnés (Eulemur coronatus), de makis varis noir et blanc (Varecia variegata) et d'un second couple de sarcelles de Bernier. Un couple de fossas (Cryptoprocta ferox) a été accueilli dans une installation voisine, probablement l'une des meilleures en captivité pour cette espèce, avec de multiples possibilités d'évolution dans un important volume et des points de vision pour les visiteurs au niveau des strates supérieures.
La zone d'Amérique du Sud est le lieu de présentation de loups à crinière (Chrysocyon brachyurus), de margays (Leopardus wiedii), de sakis à face blanche (Pithecia pithecia)… Une famille de ouistitis à toupet blanc (Callithrix jacchus) vit dans une cabane perchée dans un arbre, avec un accès vers la canopée voisine, image idyllique pour de nombreux visiteurs. Les tapirs terrestres (Tapirus terrestris) occupent un enclos particulièrement boisé, rappelant le milieu d'origine des premiers. Ils cohabiteront bientôt avec des capybaras (Hydrochaeris hydrochaeris) et des kamichis à collier (Chauna torquata). Enfin, un groupe de saimiris à tête noire (Saimiri boliviensis), logé dans un bel enclos incluant de nombreux grands arbres, conclut la visite américaine. La zone d'Océanie inclut une volière pour gouras couronnés (Goura cristata) et un enclos de contact avec des wallabies de Parma (Macropus parma). Des potoroos (Potorous tridactylus) devraient également être inclus dans cette zone à terme.
Une gestion écologique du site a été incluse dans le projet dès le départ. Des bassins écologiques d'épuration des eaux, mais aussi des toilettes sèches, ont par exemple été aménagés. La conservation, maître mot de la Réserve Zoologique de Calviac, est présente sur tout le site et les visiteurs y sont sensibilisés tout au long de leur visite. L'amour et le respect de la nature sont également transmis grâce, entre autres, à un parcours poétique reprenant les écrits de grands penseurs. Un certain pourcentage des droits d'entrée (8,50 € pour les adultes et 5 € pour les enfants en 2008) est reversé directement à des programmes de conservation à travers le monde. Chaque visiteur a le choix, parmi une série de programmes présélectionnés, de déterminer le programme qu'il souhaite soutenir en déposant en fin de visite son ticket d'entrée dans l'urne correspondante. Des tarifs "éco-visiteurs" pour les visiteurs venant en vélo ou en transport en commun ont été également établis, ainsi qu'une prime écologique pour les employés utilisant des transports propres. La Réserve Zoologique de Calviac, ayant représenté un investissement total de 600 000 €, espère accueillir approximativement 50 000 visiteurs par an, mais du fait de sa situation si propice et de son concept tout à fait innovant, il est bien probable que les visiteurs soient bien plus nombreux. Souhaitons-le en tout cas à Emmanuel Mouton et à toute son équipe !