Sharjah Desert Park - Semaine 10

Rapport hebdomadaire de mon stage 2008/2009 au Sharjah Desert Park
18 au 24 janvier 2009 - Semaine 10

Mon stage au Sharjah Desert Park se poursuit et chaque semaine apporte son lot de surprises et de découvertes. Ce dimanche, Christel Griffioen a décidé de préparer la peau et le squelette d'un lièvre mort il y a quelques jours. Jusqu'à présent, les lièvres vivant au Moyen Orient sont considérés comme appartenant à l'espèce du lièvre du Cap (Lepus capensis), dont l'aire de répartition s'étend de la pointe de l'Afrique jusqu'en Inde, plusieurs sous-espèces étant plus ou moins reconnues. En raison de la diversité des habitats, et surtout des séparations entre les différentes populations, il est fort à parier qu'il faille reconnaître clairement au moins quatre différentes populations, qui pourraient s'avérer des espèces distinctes. Des études génétiques poussées sont actuellement nécessaires pour clarifier la situation et pouvoir ainsi mettre en place d'éventuelles mesures de conservation. Le BCEAW collabore avec un chercheur portugais qui effectue une étude génétique du lièvre du Cap. Il est donc important de collecter un maximum d'informations, d'autant plus que les lièvres maintenus au BCEAW sont de trois origines différentes : Arabie Saoudite, Sharjah et Abu Dhabi. Le lièvre mort il y a quelques jours est originaire de la population d'Arabie Saoudite et nous prenons diverses mesures avant d'entamer le découpage de la peau. Je me charge aussi de retirer un maximum de muscles autour des os et les nettoie au mieux. La peau, ainsi que les os, tremperont dans différents liquides au cours des prochains jours afin d'assurer leur conservation future.

Lundi, nous avons quelques problèmes avec la photocopieuse du BCEAW dont émane depuis quelques jours une forte odeur... Une souris s'est probablement coincée quelque part à l'intérieur et son corps en décomposition engendre une mauvaise odeur dans tous les bureaux ! Malgré un démontage partiel de la machine, nous ne trouvons pas l'animal et il faudra faire appel à l'organisme de maintenance. Durant la pause de midi, je me balade dans le BCEAW et observe les deux jeunes gazelles dorcas nées il y a quelques jours. Deux léopards d'Arabie sont aussi nés mi-novembre, quelques jours à peine avant mon arrivée aux Émirats Arabes Unis, et commencent à sortir pour explorer leur enclos extérieur. J'ai la chance de les voir pour la première fois aujourd'hui ! L'après-midi, j'ai de longues discussions enrichissantes avec Paul Vercammen à propos du fonctionnement de l'EAZA, des zoos du Moyen Orient, des futures évolutions du BCEAW... Mardi, nous avons la visite d'un des curateurs du Zoo de Leipzig (Allemagne) et d'un de ses amis photographes. Nous prenons le repas tous ensemble à midi et je les accompagne au cours de leur visite. C'est l'occasion de prendre aussi quelques nouvelles photographies des espèces de l'Arabia's Wildlife Centre.

Léopard d'Arabie (Panthera pardus nimr)
Jeune léopard d'Arabie âgé d'un peu plus de deux mois
Gazelle dorcas et son petit
Gazelle dorcas âgée de quelques jours
Mangouste grise de l'Inde (Herpestes edwardsii)
Ratel (Mellivora capensis pumilio)
Hérisson de Brandt (Paraechinus hypomelas)

Mercredi a lieu la réunion hebdomadaire du Senior Staff au cours de laquelle chacun est maintenu informé des activités dans les autres départements du BCEAW. A midi, j'ai encore la chance d'observer les deux jeunes léopards d'Arabie, âgés d'un peu plus de deux mois, et leur mère. Paul a organisé cet après-midi une réunion pour toutes les personnes impliquées dans la préparation de la conférence qui approche à grands pas et se déroulera dans une quinzaine de jours. Nous listons les derniers préparatifs nécessaires, les personnes ayant déjà confirmées leur présence et celles qu'il faut encore contacter, l'état actuel du Briefing Book...

Jeudi matin, j'accompagne Björn Jordan dans le désert environnant le BCEAW pour repérer des endroits propices où poser des pièges dans le but de capturer quelques petits rongeurs pour renouveler les lignées reproductrices captives. C'est l'occasion aussi de voir de nombreuses traces de chameaux, de rongeurs, de serpents, d'insectes... le désert fourmille de vie ! Je termine le découpage du lièvre d'Arabie Saoudite avec Christel, puis il nous faut capturer un groupe de six lièvres dans un des enclos du BCEAW. Ce groupe est malheureusement atteint de pasteurellose depuis quelques temps et il a été décidé de retirer tous les animaux de cet enclos pour créer un vide sanitaire pendant quelques mois. En fin d'après-midi, je conclus aussi le stud-book des Uromastyx leptieni, qui sont actuellement maintenus dans deux parcs zoologiques européens, en sus du Sharjah Desert Park.

Léopard d'Arabie (Panthera pardus nimr)
Jeune léopard d'Arabie âgé d'un peu plus de deux mois
Jeune léopard d'Arabie âgé d'un peu plus de deux mois
Jeune léopard d'Arabie âgé d'un peu plus de deux mois
Sortie dans le désert à la recherche de terriers de petits rongeurs
Trace de dromadaire dans le sable
Coloquinte Citrullus colocynthis trouvé abondamment dans le désert
Pistes multiples dans le désert

Pour poursuivre ma découverte des pays de la Péninsule Arabique, je prends ce vendredi matin un vol d'Air Arabia pour Manama, la capitale du Bahreïn. Björn m'accompagne cette fois. Bahreïn est un royaume constitué d'une quarantaine d'îles totalisant 700 km², qui se trouve au nord de l'Arabie, entre le Qatar et l'Arabie Saoudite. Il abrite une population de plus de 700 000 personnes. L'économie du pays est basée depuis les années 1930 sur l'exploitation du pétrole, qui a permis un développement important et rapide tout au long du vingtième siècle. Depuis les années 1980, les ressources internes du pays ont été épuisées et Bahreïn traite majoritairement le pétrole foré en Arabie Saoudite. Ceci a engendré un relatif ralentissement de l'évolution économique du pays, ce qui se ressent dans l'architecture et l'organisation globale de Manama. Depuis la création de la King Fahd Causeway en 1986, pont de huit kilomètres qui relie l'Arabie Saoudite et Bahreïn, et en vue de l'inauguration d'un pont similaire entre Qatar et Bahreïn, les activités de service ont été beaucoup développées sur l'île, qui est devenu un lieu de villégiature important pour les personnes vivant en Arabie Saoudite, où de nombreuses activités sont soumises à restriction. Ce matin, l'atterrissage à Manama se fait dans le brouillard. Une fois à terre, après avoir passé le poste-frontière et changé un peu d'argent, nous rejoignons notre hôtel, l'Oriental Palace Hotel. Celui-ci est typé du style des années soixante-dix et c'est un peu comme si le temps s'était arrêté ici. Nous prenons une collation à l'hôtel avant de partir à la recherche d'un taxi. Les taxis sont heureusement tous équipés de taximètre, mais les tarifs sont très élevés. Nous avons décidé de nous rendre ce matin dans le sud de l'île, jusqu'au Al Areen Wildlife Park and Reserve. En route, nous voyons, sur l'autoroute, un lièvre écrasé. Il aurait été très intéressant de pouvoir prélever quelques poils pour analyse génétique, d'autant plus que la population de lièvres de Bahreïn est séparée de toutes les autres populations du continent, mais cela s'avère difficile avec un taxi, et surtout en plein milieu de l'autoroute ! Al Areen Wildlife Park and Reserve n'ouvre ses portes qu'en début d'après-midi et nous sommes un peu en avance. En nous promenant dans les alentours, nous observons une gazelle et de multiples traces. Il s'agit peut-être d'animaux échappés du parc zoologique, mais nous savons aussi qu'il existe encore une population sauvage de gazelles sur l'île. Le Bahrain International Circuit, inauguré en 2004 et aussi utilisé pour les courses de Formule 1, se trouve juste à côté et nous entendons les bruits de moteur de plusieurs véhicules à l'entraînement. A 13h30, nous pouvons enfin entrer dans l'Al Areen Wildlife Park and Reserve. Cet espace zoologique créé en 1975 est aménagé sur près de 300 hectares et la majeure partie de la visite s'effectue à bord d'un minibus qui longe les divers enclos parsemés dans le parc. Ceux-ci abritent une diversité d'ongulés, pour la plupart assez communs en captivité. Nous notons tout de même la présence d'un intéressant groupe reproducteur de gazelles à cou roux (Nanger dama ruficollis), de potentielles gazelles saoudiennes (Gazella saudiya), de gazelles dorcas soudanaises (Gazella dorcas dorcas) et plusieurs sous-espèces de gazelles d'Arabie (Gazella gazella). Un groupe de quatre jeunes girafes du Cap (Giraffa camelopardalis giraffa), un mâle et trois femelles, occupent également un enclos et ont été probablement récemment importées directement d'Afrique. Au milieu du circuit, le bus s'arrête une dizaine de minutes dans un oasis artificiel où prospèrent de nombreux échassiers et anatidés. Nous avons la surprise de trouver six espèces de grues en totale liberté : grue royale (Balearica regulorum), grue de paradis (Anthropoides paradiseus), grue demoiselle (Anthropoides virgo), grue antigone (Grus antigone), grue cendrée (Grus grus) et grue du Japon (Grus japonensis). En sus, un groupe de flamants nains et un autre de flamants du Chili, ainsi que quelques marabouts d'Afrique, vivent à cet endroit. A la fin du parcours en bus, le visiteur est invité à découvrir un petit parc zoologique classique organisé autour du bâtiment d'accueil. Nous y trouvons encore de nombreux anatidés, un autre groupe de flamants roses, plusieurs enclos où sont présentées d'étranges races de moutons et de chèvres, diverses espèces de perdrix et de francolins... Une colonie de dik-diks de Kirk (Madoqua kirkii) cohabite avec un groupe de springboks noirs (Antidorcas marsupialis), une des colorations particulières de cette espèce. Al Areen Wildlife Park and Reserve envisage de présenter dans un futur proche quelques grands carnivores de la Péninsule Arabique, dont le léopard d'Arabie et le loup d'Arabie. Des enclos pour les accueillir sont déjà en cours de construction et ces espèces déjà annoncées sur les prospectus du parc. En sortant, je jette encore un œil à la petite boutique, qui propose majoritairement des gadgets variés, mais j'ai la surprise de découvrir parmi tout cela un intéressant ouvrage intitulé Arabian Mammals, A Natural History, écrit par Jonathan Kingdon et publié en 1990. L'Al Areen Wildlife Park and Reserve est situé à une trentaine de kilomètres de Manama, dans une zone complètement désertique, et nous sommes un peu inquiet à l'idée de ne pas trouver de taxi pour le retour. Par chance, un couple d'expatriés, avec qui nous avions sympathisé pendant le tour en minibus, propose de nous ramener à Manama. Originaires d'Afrique du Sud et du Canada, ils sont tous les deux médecins et travaillent en Arabie Saoudite, juste de l'autre côté de la King Fahd Causeway. Ils sont venus passer la journée à Bahreïn et proposent de nous inviter pour le dîner au Burlington Club, situé au Ritz Carlton Bahrain Hotel & Spa. Nos discussions sont sympathiques et variées, évoquant la diversité du Moyen Orient, la vie en Arabie Saoudite ou à Sharjah, les liens avec l'Europe... Dans les jardins du Ritz Carlton, une petite volière abrite un couple d'aras bleus (Ara ararauna) et un flamant rose solitaire nage dans les bassins. Nous prenons ensuite un taxi pour nous rendre au Dolphin Resort, un delphinarium installé à Manama. Le prochain spectacle est à 20h et cela nous laisse un peu de temps pour aller changer de l'argent dans le voisinage, nos finances étant épuisées. Nous passons par hasard au Gosi Shopping Complex, centre commercial, qui abrite également des bureaux et une petite université. Trois bassins pour poissons d'espèces locaux y sont également aménagés depuis 1995. Au Dolphin Resort, nous sommes surpris de ne trouver qu'une vingtaine de spectateurs, alors que nous sommes un vendredi soir et qu'il devrait y avoir foule. Le show commence à l'heure prévue et fait intervenir successivement une jeune otarie à crinière (Otaria flavescens) et deux dauphins à bosse (Sousa plumbea), étranges cétacés également présents dans les eaux de Bahreïn. Malheureusement, le spectacle est déprimant et les conditions de vie des animaux plutôt mauvaises, les règles minimales d'hygiène n'étant même pas respectées. De plus, le delphinarium est de taille très réduite, avec un plafond très bas, et nous nous posons des questions sur les possibilités de climatisation en été, lorsque les températures extérieures dépassent les 30 ou 40°C. Aussi incroyable que celui puisse paraître, ce Dolphin Resort a hébergé dans le passé au moins un bélouga (Delphinapterus leucas), probablement pour une durée très courte ! Nous retournons à pieds vers notre hôtel et découvrons au passage le Bahrain World Trade Centre, premier ensemble de gratte-ciel au monde qui intègre des éoliennes.

Oriental Palace Hotel
En route pour l'Al Areen Wildlife Park and Reserve
Traces de gazelles aux environs d'Al Areen
Entrée de l'Al Areen Wildlife Park and Reserve
Minibus pour la visite de l'Al Areen Wildlife Park and Reserve
Tour en minibus et enclos des gazelles dorcas
Enclos des bouquetins de Nubie
Gazelle dorcas soudanaise (Gazella dorcas dorcas)
Mouton Tamatm
Bouc Faror
Springboks noirs (Antidorcas marsupialis)
Dik-dik de Kirk (Madoqua kirkii)
Installation des léopards en cours de construction
Installation des léopards en cours de construction
Enclos des autruches à Al Areen
Enclos des anatidés et des flamants à Al Areen
Perdrix de Hey (Ammoperdix heyi)
Boutique de l'Al Areen Wildlife Park and Reserve
Volière des aras au Ritz Carlton
Aquariums du Gosi Shopping Complex
The Dolphin Resort
The Dolphin Resort
Otarie à crinière femelle et son entraîneur au Dolphin Resort
Spectacle avec deux dauphins à bosse au Dolphin Resort
Dauphin à bosse (Sousa plumbea)
Séance de photographie à la fin du spectacle

Notre programme pour notre seconde journée à Bahreïn est plus souple. Il semblerait que la ville de Manama dispose de quelques autres espaces zoologiques, dont un jardin municipal avec quelques animaux, nommé le King of Bahrain Park and Zoo, mais personne ne peut nous renseigner plus amplement sur place et aucun chauffeur de taxi ne semble connaître l'endroit. Après le petit déjeuner, j'appelle mon contact au Bahrain Aqualife Centre, un commerce professionnel de poissons établi en 1985. Freddie, un des Sri-lankais y travaillant, vient nous récupérer à l'hôtel et nous emmène à nouveau voir le Gosi Shopping Complex, les aquariums s'y trouvant étant gérés par un employé du Bahrain Aqualife Centre. Nous allons ensuite visiter leur magasin principal, situé au sud de Manama, et rencontrons Yasser Al-Alawi, le directeur général du Bahrain Aqualife Centre. Cette compagnie était autrefois spécialisée dans l'exportation d'espèces de la Mer Rouge à partir du Yémen vers les pays d'Asie du Sud-Est, mais depuis les restrictions imposées dans cette mer, l'activité a été reconcentrée à Bahreïn et inclut majoritairement des importations de poissons originaires du Sri Lanka ou de Singapour pour des clients locaux. Yasser Al-Alawi nous explique sa politique de recherche et de collaboration avec ses clients ; depuis plusieurs années, il ne vend plus de coraux vivants et accorde une attention précise aux connaissances de ses clients, pour qu'elles soient en adéquation avec les espèces qu'ils acquièrent. De plus, Bahrain Aqualife Centre offre ses services de consultation pour la mise en place d'aquariums publics et privés. Suite au conseil d'Yasser Al-Alawi, Freddie nous dépose en début d'après-midi au Bahrain National Museum. Malheureusement, la salle présentant la faune et la flore locales est actuellement non accessible. Nous profitons tout de même des autres expositions, à propos de l'histoire, de la culture et de l'art à Bahreïn. En sortant du musée, nous allons prendre un repas à la Zytoun Mediterranean Brasserie, située dans le complexe hôtelier Novotel Al Dana Resort Bahrain. La vue sur la piscine et la mer voisine est bien sympathique et le soleil brille dans le ciel bleu. Nous rejoignons l'aéroport vers 16h pour notre vol de retour de 18h05. C'est probablement mon dernier vol avec Air Arabia. Grâce à cette compagnie à bas coût, j'ai pu découvrir au cours des dernières semaines pas moins de quatre pays de la Péninsule Arabique : Koweit, Qatar, Oman et Bahreïn. Riches en surprises et découvertes, ces voyages ont été pleins d'enseignements et d'enrichissements. Il me reste encore, bien sûr, beaucoup à voir aux Émirats Arabes Unis et j'attends avec impatience la conférence de conservation.

De retour à Sharjah, Björn et moi nous renseignons à propos des possibilités de vol vers Kish Island, une petite île iranienne, située à environ 200 kilomètres des côtes de Dubai. Malheureusement, les vols directs à partir de Sharjah ont été annulés récemment, parce que cette destination est principalement utilisée pour des renouvellements de visa. En raison de son statut de zone de libre-échange, l'île de Kish est reconnue comme un paradis pour les consommateurs et dispose de nombreux centres commerciaux, boutiques, attractions touristiques et hôtels de tourisme. Notre intérêt se portait surtout vers le delphinarium et le petit parc zoologique que l'île abrite. Il semblerait même que ce delphinarium possède un ou plusieurs morses et ai reproduit récemment les dauphins qu'il héberge. Néanmoins, suite à la découverte hier du Dolphin Resort à Manama et du fait qu'il faille décoller de Dubai pour atteindre Kish, il est fort probable que nous n'effectuons pas ce petit séjour que nous avions prévu pour mi-février.

Bahrain Aqualife Centre
Bahrain Aqualife Centre
Pomme de mer (Pseudocolochirus violaceus) au Bahrain Aqualife Centre
Murène au Bahrain Aqualife Centre
Bahrain National Museum
Bahrain National Museum
Bahrain National Museum
Bahrain National Museum
Novotel Al Dana Resort Bahrain
Novotel Al Dana Resort Bahrain