par Blondeau Philippe » Mardi 18 Juin 2019 18:48
Ayant travaillé en parc zoologique, il y a 40 ans, j'ai pu constater qu'il y avait, comme nombre d'internautes le signalent, deux publics: le "grand public". Cela n'a rien de péjoratif. Nous faisons tous partie de ce "grand public" dans des domaines que nous maîtrisons moins; et les "initiés", ou se définissant comme tels. Cependant, les goûts évoluent et nul ne niera que, depuis "Le Peuple Migrateur" de Jacques Perrin, les oiseaux
aient gagné en notoriété et intérêt auprès de tous.
J'ai vu les réputés rares grands pandas dans 5 zoos: d'abord Paris (c'est vieux), puis Londres, Tōkyō, San Diego et enfin Beauval. En revanche, c'est au Spaycific'Zoo (Sarthe) que j'ai observé pour la première fois des tatous, des mangoustes naines, des dingos, des bernard-l'ermite). Les tatous sont visibles depuis dans bien d'autres parcs dont le fabuleux Bioparc de Doué-la-Fontaine. Pareil pour les mangoustes naines. Je lis qu'on ne trouve pas d'aï, mais l'Oasis di Sant'Alessio (près de Pavie et donc de Milan, Italie) obtient la reproduction d'unaus et de tamanduas. Pour moi, ce qui compte le plus, n'est pas tant la "rareté" d'une espèce dans un parc, sauf si une bonne reproduction permet de remédier à ladite rareté; ce sont plutôt les conditions de vie (espace, enrichissement du milieu, conservation d'objets susceptibles d'intéresser les animaux: branches tombées, troncs pourris, plantes variées attirant une microfaune etc.) et, si possible, un cadre le plus naturel possible, même s'il est léché. Outre les parcs français précités, on peut mentionner Branféré (Morbihan) qui a longtemps abrité et surtout fait reproduire des espèces invisibles ailleurs en France à l'époque (maras, manchots de Humboldt, cariama à pattes rouges etc.) et qui devient aujourd'hui un des plus beaux zoos de notre pays (surtout s'il sauve la collection de tableaux d'Elena Castori-Jourde, soit dit en passant, fermons la parenthèse), la Haute-Touche (Brenne), qui ne se contente pas d'être une sublime collection de cervidés, mais présente dans des espaces immenses, des espèces peu communes (dholes entre autres), le CERZA près de Lisieux, avec ses grands espaces communs à plusieurs espèces, le superbe zoo de Champrépus (Côtentin) qui, outre des présentations belles et bien pensées pour les animaux, offre un vrai régal pour les yeux pour tout(e) amatrice/amateur de botanique, le Parc des Oiseaux à Villars-lès-Dombes, Clères près de Rouen, créé par l'ornithologue et grand éleveur Jean Delacour.
En Italie, allez voir l'Oasi di Sant'Alessio déjà nommée, où se reproduisent "come in natura" des tas d'espèces d'oiseaux européens (cigognes, ibis falcinelles, spatules, aigrettes, cistudes etc. etc. etc., au point d'être un lieu de réintroduction privilégié, et aussi , ou encore la Torbiera, près de Novare, avec ses rares sikas des Philippines. Tous ces parcs font belle figure, avec des rôles, des objectifs et des moyens surtout très différents d'autres bien plus connus, mais ne devraient pas vous décevoir. Cependant: qui dit espaces naturels spacieux implique un temps d'attente, parfois, pour tout voir: il faut observer partout, du sol jusqu'en haut des arbres, revenir parfois sur ses pas.
Que de progrès réalisés! Je n'oublierai jamais le regard triste, dans la seconde partie des années 1980, de ce gorille du Zoo de Londres qui semblait se demander ce qu'il faisait là.
Quelle différence avec les jeux des jeunes atèles et des saïmiris, avec le comportement parfaitement naturel des cigogne d'Abdim, ombrettes et hérons goliaths nidifiant à Doué!
Whipsnade (Royaume-Uni) est un exemple pour tous, mais nous aussi, en France et en Italie, avons des joyaux et, si on cherche bien, on verra certaines espèces et bien d'autres dont, à juste titre, bien des internautes déplorent l'absence ou la rareté en jardin zoologique.
Autres remarques: 1) que l'on préfère protéger ex-situ une sous-espèces menacée (Panthère du Sri Lanka, de Java) plutôt que la plus courante panthère d'Afrique me paraît un bon choix: pour le "grand public", une panthère est une panthère. Donc, autant élever la plus rare, dans un but de réintroduction (à condition de sauver parallèlement le biotope d'origine), non? 2) Oui, il faut du fric pour tenir un parc zoologique. Beaucoup. Sans espèces phares, plus quelques espèces satellites (parfaitement identifiées par Okapi, sub), un parc n'est pas viable et ce n'est pas vrai seulement chez nous. Il faut diversifier, enrichir continuellement la collection, investir sans cesse pour rester attractif. Alors, si quelques parcs publics peuvent se permettre une année ou deux sans bénéfices et donc préférer un rôle de conservation à moindre risque, et c'est tant mieux pour nous, ce n'est pas le cas de bien des zoos privés qui gagnent de l'argent ou ferment, sont parfois repris par des commerçants incompétents (ça s'est vu), ou encore, heureusement, par de vrais passionnés ou personnes suffisamment bienveillantes et/ou intelligentes pour savoir s'entourer, pour mettre de côté les délires attrape-gogos et s'orienter vers des volières et enclos bien conçus, plaisants au regard et d'abord pour leurs habitants. Cela aussi existe.
Pardon d'être parfois sorti du sujet. Veuillez considérer mes remarques comme complémentaires, poussé que j'étais par ma passion...
Au plaisir de vous lire toutes et tous…, PhB