L'INTERVIEW
Emmanuel Mouton, directeur et fondateur de la réserve zoologique de Calviac
Ex-chef-animalier adjoint au Muséum national d’histoire naturelle, Emmanuel Mouton a ouvert en 2008 la réserve zoologique de Calviac, en Dordogne. Sa spécificité : freiner l’érosion de la biodiversité en privilégiant les petites et moyennes espèces menacées dans un site très préservé. Une trentaine d'espèces s'épanouissent ainsi "Sous le Roc", une zone classée Natura 2000.
• Vous êtes le seul établissement en France où se reproduit le glouton et l'on y verra bientôt une nouvelle portée ?
En effet, quatre petits sont nés le 24 janvier dernier. C'est la deuxième fois à Calviac. Ils vont sortir au printemps et ça promet d'être agité !
• Votre réserve joue également un rôle important dans le programme de conservation du vison d'Europe, le mammifère le plus menacé d'Europe…
Très peu de parcs hébergent cette espèce solitaire, qui nécessite une installation par individu. Nous avons trois couples, mais un seul individu est visible pour le public. Cette espèce nous lie de près au Festival de Ménigoute : j'ai fait une conférence sur elle en 2013 et un documentaire est en train d'être finalisé à son sujet (voir notre newsletter de décembre dédiée au vison). De nombreux Iffcamiens sont venus filmer cette espèces chez nous ! Nous sommes aussi en relation étroite avec le Zoodyssée, à Chizé (Deux-Sèvres), où se trouve l'élevage principal créé dans le cadre du plan national d'action. Ils ont la capacité d'en accueillir soixante, mais n'en ont que neuf pour l'instant.
• Cette espèce incarne parfaitement la vocation de votre réserve…
J'ai créé ce lieu sans but lucratif. C'est l'aboutissement d'un rêve d'enfant. Le pourcentage d’espèces menacées (50 %) ou d’espèces en programmes d’élevage (72 %) y est l’un des plus élevés au monde. La réserve est divisée en quatre zones géographiques – Europe et bassin méditerranéen, Madagascar, Amérique du Sud, Océanie – qui font partie des points chauds de la biodiversité mondiale définis par Conservation International.
Nous nous consacrons principalement à des programmes de conservation ex situ (en captivité). Mais, à moyen terme, l’objectif est de parvenir à créer un lien très étroit avec la conservation in situ, c’est-à-dire dans les milieux naturels. Dans le cas du vison d'Europe, nous coordonnons en Dordogne les piégeurs chargés de recenser les individus encore présents dans la nature. Les opérations viennent de démarrer ; nous allons les stopper durant la période de reproduction, puis les reprendre en septembre. Avant d'envisager toute réintroduction, il faut bien savoir où il en reste… Nous proposons aussi des formations sur le maintien de ces animaux en captivité. Et nous partageons nos compétences avec des équipes à Madagascar pour la sauvegarde des lémuriens, et au Brésil pour le tapir et le tamarin lion doré.
• Peut-on qualifier votre démarche d'holistique, tant tout semble avoir été pensé dans le détail ?
J'ai en effet veillé à conserver le couvert végétal du site existant et à minimiser l'impact sur l'environnement. Les constructions sont en bois non traité, les toilettes sont sèches et l'assainissement se fait grâce à des filtres plantés. Les sentiers sont ponctués de citations de poètes, chanteurs, philosophes, naturalistes dont la pensée m'a influencé. Et notre banque, la Nef, est éthique et solidaire !
• Et vous vous apprêtez à ouvrir un pôle pédagogique…
Nous aménageons une ancienne étable bâtie contre un rocher pour y projeter des films, y faire des conférences… L'école Montessori de Calviac va créer en face une aire de jeux faite par et pour des enfants. Ce projet a été financé pour moitié par l'entreprise Loxam. Il manque encore 20 000 euros pour le finaliser, donc les mécènes et les dons sont les bienvenus pour une ouverture en fin d'année !
Propos recueillis par Catherine Levesque.
Source: Infolettre du FIFO-Festival International du Film Ornithologique de Ménigoute.