Du gaz avec du fumier de vaches et de girafes
Trente-cinq éleveurs se sont associés avec le zoo de Doué-la-Fontaine, dans le Maine-et-Loire, pour ouvrir une usine de méthanisation. Objectif : réutiliser leurs fumiers pour chauffer plus d’un millier de foyers.
« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. » À Doué-la-Fontaine (Maine-et-Loire), 35 éleveurs ont décidé de se réapproprier le célèbre aphorisme de Lavoisier. Ils ont uni leurs forces pour produire du biométhane avec le fumier de leurs bêtes à travers une usine de méthanisation.
Leur projet, assez classique, remonte à la fin des années 2000. « À l’époque, on ne connaissait pas grand-chose à la méthanisation », raconte Tony Genevaise, qui élève des vaches allaitantes. C’était avant que l’un d’eux, Jean-Marie Charron, ne s’intéresse au processus et se renseigne auprès de l’antenne locale de la chambre d’agriculture. « Une question anodine », se souvient Jean-François Corbin. Mais le chargé de mission énergie à la chambre a tout de suite flairé l’idée et soutenu la démarche.
Avec son aide, les premiers éleveurs volontaires en ont convaincu d’autres et une association, Doué-Métha, a été créée en 2012. « Nous sommes dans un territoire où il y a peu d’élevages. Et les revenus de ce type d’exploitation sont de plus en plus aléatoires. Alors, pour nous, c’était une façon de montrer que, malgré tout, les éleveurs se bougent », souligne Tony Genevaise.
Girafes et hippopotames aussi
Lui et ses homologues croient plus que jamais en leur projet. D’autant plus, et là, c’est moins classique, qu’ils peuvent compter sur un soutien de marque : le zoo de Doué-la-Fontaine, qui a accepté de participer. En fournissant les déchets naturels des girafes, rhinocéros et autres hippopotames.
« Ça rentre complètement dans notre philosophie de « bioparc » pour laquelle on cherche constamment à limiter notre empreinte sur l’environnement », se réjouit Cédric Vincent, le responsable technique du parc animalier. « C’est bon pour la planète car le méthane émet trente fois plus de gaz à effet de serre que le CO2, abonde Jean-François Corbin. Autant ne pas le laisser s’évaporer dans l’air, comme c’est le cas avec l’accumulation des tas de fumiers à la ferme. »
Dix vaches pour chauffer trois maisons
Après plusieurs années d’expertises et d’études menées sur le terrain, les éleveurs ont créé une Société par actions simplifiée (SAS), en mars dernier. Leur dossier d’Installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE) est en cours de constitution. Ils espèrent démarrer la construction de l’usine fin 2017, sur un champ de la commune voisine de Concourson-sur-Layon. Pour une mise en service un an plus tard.
« Il faut dix vaches pour chauffer l’équivalent de trois maisons, calcule Jean-François Corbin, à la chambre d’agriculture du Maine-et-Loire. L’usine Doué-Métha traitera environ 30 000 tonnes de fumiers par an. De quoi permettre de chauffer 1.700 foyers et 3.700 habitants. » La jeune société espère ainsi vendre son biogaz autour de dix centimes d’euros le kilowatt/heure à GRDF.
Le site de méthanisation de Doué-la-Fontaine devrait accueillir 100 tonnes de fumiers par jour. Distant d’au moins 500 mètres des habitations les plus proches, il sera aussi équipé d’un filtre à air pour éviter les odeurs. Les éleveurs vont le payer de leur poche, en investissant 500.000 € à eux tous. Au total, le coût du projet est évalué à 9 millions d’euros, financés par un quart de subventions et trois quarts de prêts bancaires de la société par actions simplifiée. « Un million d’euros seront injectés dans l’économie locale, promet le collectif d’agriculteurs. Et quatre emplois seront créés pour faire tourner l’usine. »
« Unique en France »
L’ensemble du processus élaboré jusqu’au portage du gaz est « unique en France », selon Jean-François Corbin. Mais pas très compliqué à comprendre. Les matières premières passeront d’abord trente jours dans un digesteur. « À l’intérieur, la température est de 37 °C, la même que dans l’estomac d’une vache », schématise le chargé de mission de la chambre d’agriculture.
Au cours de la digestion, le méthane obtenu sera récupéré puis liquéfié pour être transporté en camions-citernes du côté de Saint-Jean-des-Mauvrets, près de Brissac. Là, il sera directement injecté dans le réseau de distribution de gaz qui alimente l’agglomération angevine. Les résidus de la méthanisation seront, eux, directement réutilisés dans les champs agricoles comme engrais naturel. Quand on vous dit que rien ne se perd…
.