Yuan Zi, mâle un peu trop sage
Ce midi-là, le panda géant Yuan Zi, bientôt 6 ans, fait le singe. Sa bouille encastrée entre deux troncs d'arbre parallèles, le quadrupède tire la langue aux bipèdes. « Voici notre mâle. On l'appelle Rondouillard mais son prénom signifie le fils de celle qui a la tête ronde », présente Anne-Sophie, animatrice grand public du zoo de Beauval.
« Tiens, il est tout seul, il n'y en a pas deux normalement ? » s'étonne une touriste. Elle a raison. Le plantigrade partage la vedette avec sa compatriote Huan Huan. Mais en ce moment, cette femelle n'est pas d'humeur à boulotter ses tiges de bambou en extérieur. Elle demeure prostrée dans son enclos intérieur cinq étoiles avec climatisation et caméras de surveillance. « Elle est un peu dans un état second, elle fait une grossesse nerveuse, ses hormones lui ont laissé croire qu'elle attendait un bébé », décrypte Delphine, responsable de ce couple unique en France, qui a débarqué ici il y a deux ans et demi.
C'est monsieur qui l'a rendu malheureuse. Malgré lui. « En fait, il n'est pas très porté sur la chose, il ne pense pas encore aux filles », résume Nicolas Leroux, chef animalier. Car voilà, celui qui a la délicate mission d'assurer une descendance n'est pas un chaud lapin ! Il a encore une excuse. « Il n'est pas totalement mature sexuellement, il ne sait pas vraiment comment s'y prendre, ce n'est pas instinctif chez lui. Mais l'année prochaine, vous recevrez sans doute un faire-part », rêve le maître des lieux, Rodolphe Delord. Une couveuse, le même modèle que dans nos maternités, est déjà prête à réchauffer un nouveau-né à poils blancs et noirs. Mais, pour l'instant, c'est un panda en peluche qui y repose. « Yuan Zi est un brin jeunot pour passer à l'acte, on a bien repéré quelques interactions intéressantes avec madame, mais pas le coup de foudre », sourit Baptiste Mulot, vétérinaire en chef.
Pour la première fois ce printemps, les deux VIP (« very important pandas ») qui, jusque-là, étaient séparés afin d'aiguiser leur appétit sexuel, ont fait chambre commune. C'est la seule saison de l'année où, durant trois semaines, la femelle est en chaleur, mais elle n'est fertile que deux ou trois jours. Un laps de temps trop court, cette fois du moins, pour son conjoint insensible aux frottements et à la libido proche de zéro.
Son plaisir à lui, c'est plutôt de croquer une pomme. Tous les matins, le gros nounours a droit à son fruit préféré pour le récompenser de ses efforts lors des tests médicaux, une prise de sang ou un prélèvement urinaire. Sa maison d'accueil lui doit bien ça. Grâce à lui et sa voisine frustrée, l'affluence du parc a bondi de 600.000 à un million de visiteurs.
La bête est docile. « Open, open ! » ordonne-t-on derrière une grille de protection. Et Huan Zi d'ouvrir sa gueule pour qu'on lui inspecte ses canines. Il s'est bien acclimaté à l'air de la région Centre, affichant une santé de fer. « Hormis une petite morsure de la femelle qui ne se voit plus, il n'a eu aucune blessure », souffle le véto.
Douze heures par jour, le pensionnaire qui coûte cher (des centaines de milliers d'euros chaque année reversés à la Chine pour financer des projets de conservation) mais rapporte gros mastique une trentaine de kilos de bambou avec ses pattes à six doigts. Il ne digère que 17 % de ce qu'il ingère, autrement dit, il lui faut des tonnes de pousses pour prendre de l'embonpoint.
Entre deux grignotages, il collectionne les roulades ou s'allonge dans l'herbe, les griffes en éventail, faisant quotidiennement le bonheur de milliers de photographes amateurs. Heureusement que la coqueluche made in China ne comprend pas le français ! « On nous demande parfois : Ce panda, c'est un vrai ? » assure le personnel aux petits soins.
Source : Le Parisien.