La réserve doit sa survie à Jean-Jacques Boisard, venu la fermer, deux ans après son ouverture.
Il fait un peu touriste avec sa casquette rose vissée sur la tête. A l’entrée, le saisonnier qui veille ne sait même pas à qui il a à faire. " Je suis un habitué des lieux depuis 40 ans ! ", lui répond Jean-Jacques Boisard, pince-sans-rire. Tout juste. 38 ans, en fait. Depuis le jour où il a quitté le quartier d’affaires de la Défense à Paris et son costard cravate, pour rejoindre Sigean dans l’Aude.
En faillite, deux ans après son ouverture
Mandaté par les banques pour fermer la réserve africaine ouverte deux ans plus tôt, le 8 avril 1974. Le parc animalier, qui fête cette année ses quarante ans, était en faillite. Le gestionnaire liquidateur n’a pas eu à cœur de mener sa délicate mission. "Je ne me voyais pas licencier 23 personnes." Pas plus que replacer ou faire euthanasier le millier d’animaux qui évoluaient sur 89 hectares. "Je travaillais pour un cabinet de gestion. Ma tâche, c’était donc de gérer."
Il bosse. Dur. Renégocie les crédits, élabore un plan de bataille pour convaincre le principal organisme financier, engagé sur le parc animalier, de la pertinence de maintenir le site. "Autant dire que durant dix ans, on a galéré." Fait avec les maigres moyens du bord pour limiter au maximum les frais. Pas compté le temps passé au boulot. "On était aux 49 heures, sans compter les heures sup ! Mais personne ne s’est plaint. Les gens tenaient à leur emploi et à la réserve."
Les animaux maintenus dans le milieu naturel, libres
Les animaux n’ont pas eu à pâtir des sacrifices consentis. Bien au contraire. Tout a été pensé pour les maintenir dans le milieu naturel. Libres. Ne jamais les brusquer. Vivre à leur rythme. Se plier à leurs comportements, leur mode de vie. "Ici, on travaille avec du vivant, quel qu’il soit. On en est responsable jusqu’à sa mort", martèle Jean-Jacques Boisard. A 32 ans, quand il a débarqué, il ne connaissait rien ou presque des espèces qui l’entouraient.
Aujourd’hui, fin et patient observateur, il est intarissable. Se remémore avec gravité les crues meurtrières de 1999. Un des événements qui l’ont le plus marqué en 38 ans. Les dégâts ont été considérables. Une centaine d’animaux ont péri. Des aménagements ont été entrepris pour parer les pertes, mais aujourd’hui le problème n’a pas trouvé de solution définitive. "On redoute chaque fois que ça ne se reproduise."
Celui que ses collègues parisiens surnommait “l’écolo de service” n’a jamais quitté le navire. Il garde des yeux d’enfant émerveillé quand il contemple la nature. Sa beauté divine. Pour se reprendre aussitôt. Son humour décapant au bord des lèvres, il souffle : "Le plus vieil animal de la réserve, c’est Claude Pellier, l’ancien responsable zoologique, à la retraite. On l’a gardé avec nous !"
Source : Le Midi Libre.
