Tigres en batterie

[okapi]

Il y aurait en Chine au moins une ferme d'élevage de tigres... Les chiffres sont vertigineux: 5000 individus (oui, cinq mille!) seraient élevés à des fins médicinales... Il doit s'agir d'un élevage en batterie, et comme les bêtes sont destinées à finir en potions et autres onguents, leur qualité de vie n'a guère d'importance... Est-ce vérifiable ou est-ce une information fausse? Alors qu'il n'y a plus de tigres sauvages dans certaines régions du globe, 5000 individus, c'est assez stupéfiant...

[Philippe]

Bonsoir Okapi,
Pourrais-tu préciser la source de cette "info" ? 5000 tigres en batterie, cela semble assez stupéfiant !

[okapi]

Je ne me souviens plus de la source (Lettre de la SECAS peut-être)... C'est pourquoi j'ai écris au conditionnel, en espérant que quelqu'un aurait d'autres précisions à ce sujet... Le chiffre est vertigineux, certes, mais les dizaines de fauves d'un grand cirque français qui se reproduisent régulièrement laissent supposer ce que l'on pourrait obtenir avec des centaines d'individus et des procédés d'insémination accomplis... Il y a beaucoup d'argent à gagner dans la pharmacopée chinoise et le tigre est un matériau premier inestimable. Les élevages d'ours sur lesquels on prélève de la bile par incision ne sont pas un fantasme: donc ces fermes à tigres ont peut-être une sinistre réalité...

[Philippe]

Oui, concrètement, cela n'a rien de chimérique. Reste qu'il est étonnant qu'une telle information n'ait pas été relayée et reprise par d'autres médias. D'autant que les élevages d'ours sont régulièrement dénoncés.

[okapi]

Un dresseur russe possédait il n'y a pas si longtemps une quarantaine de tigres... Si l'on considère les centaines, voire les milliers, de fauves en mains privées aux Etats-Unis, les soixante-dix fauves du cirque Pinder, alors le chiffre de 5000 tigres n'est plus si absurde...

[Philippe]

J'ai bien compris... Non, ce qui m'intrigue le plus, c'est que ces 5000 tigres sont mentionnés à propos d'une ferme d'élevage "au moins" et que d'autre part l'information n'est pas été reprise dans et par les médias "grand public". Quand on sait à quel point le tigre reste un animal emblématique, une telle information aurait légitimement presque sa place en "Une" (je ne parle pas ici de la valeur intrinsèque de la dite information mais de celle que peuvent lui conférer les rédacteurs en chef de tout poil...).
Maintenant, rien n'est impossible en Chine et reproduire des tigres n'a rien d'un exploit.
PS. S'agit-il des tigres du "maestro" russe des cages ?

[okapi]

J'évoquais les tigres du dresseur Nikolai Pavlenko, entretenus notamment à un moment donné par le cirque Althoff en Allemagne.

[Philippe]

S'agissait-il de purs Sumatra ou non ?

[okapi]

Je pense, avec tristesse, que le groupe de Pavlenko est un mélange de Bengale, sûrement impurs, de Sibérie, sûrement impurs eux aussi, et de croisements des deux, situation récurrente dans plusieurs cirques...

[Philippe]

Crois-tu qu'il existe encore des représentants avérés de l'une ou l'autre des sous-espèces de tigres (ou de lions) dans des cirques occidentaux (dont russes par exemple) ?

[okapi]

J'ai vu à Moscou en septembre dernier un groupe de lions en provenance d'Ukraine, d'une couleur très pâle et plutôt de petite taille. J'ai cru qu'il s'agissait d'un groupe de lions d'Asie... En fait, ils étaient bien africains. Je crois qu'il n'y a plus de lignées pures dans les cirques, ne serait-ce que par manque de compétence en matière d'élevage. Et puis, l'essentiel est souvent d'augmenter le cheptel, un peu à n'importe quel prix. Les dresseurs russes sont avides d'animaux exotiques. J'ai vu un numéro avec des servals et un lynx... Dans le hall du Cirque Nikouline à Moscou, les spectateurs peuvent se faire photographier avec un ours, une panthère, un tigre, tous très jeunes... Mais ils y en a toujours, à chacune de mes visites, d'une année sur l'autre...

[Philippe]

Pour poursuivre sur le sujet, les spécimens présentés dans les cirques français d'avant-guerre et jusqu'à l'orée des années 80 étaient-ils alors de "pure" sous-espèce ou pas ? Je pense par exemple au groupe de lions de Daniel Susskov (étaient-ce bien des lions de l'Atlas ou simplement une appellation "publicitaire")ou encore aux tigres d'Ermenonville que l'on peut notamment découvrir en photo sur les ouvrages de Jean Richard ? Le cas échéant, saurais-tu à quelle sous-espèce les dits tigres. Mais je crains fort qu'il ne s'agisse bien de spécimens nés à l'état sauvage et dont le patrimoine génétique a été perdu...

[Alexis]

Bonsoir,

c'est pas si sûr qu'il y avait beaucoup de Lions/Tigres de sous-espèces "pures" dans les cirques des années 80 ou même du début du 20ème siècle. Les Lions et Tigres se reproduisent avec succès dans les ménageries européennes depuis le 18ème siècle au moins, aussi je ne pense pas que les directeurs de cirque ou même des grands zoos (Berlin, Londres, Paris...) se soient réellement souciés de la qualité génétique de leurs animaux.

Ce n'est pas impossible que des Lions de l'Atlas aient été importés en Europe dans les années 1900-20 mais pas au-delà car l'animal était devenu rarissime à l'époque, il devait déjà être très difficile d'en trouver.
Il y a sans doute eu des importations de Tigres de l'Inde et de Lions d'Afrique tropicale jusqu'au début des années 70 (Convention de Washington, "Projet Tigre" en Inde...), mais la reproduction étant facile même dans des conditions exécrables, ce n'est même pas sûr qu'ils aient eu besoin d'importer beaucoup d'animaux (d'où une rapide prédominance des hybrides).

Alexis

[okapi]

L'élevage de lions des Bouglione était célèbre dans les années 1910: on peut imaginer sans peine que les croisements afin d'obtenir les plus beaux produits possibles aient été monnaie courante dès le début... Les lions de Daniel Suskov dans les années 1970 étaient magnifiques avec leurs crinières foncées et particulièrement fournies, mais là non plus il n'est pas certain que ces bêtes étaient pures. Je pense que le premier souci des directeurs était de se procurer des fauves nombreux rapidement, moins coûteux que les bêtes directement importées. Ils n'étaient sans doute pas très regardants sur les lignées et sur une consanguinité inévitable.