Entretien avec Salma Slimani, directrice de la stratégie et de la gestion administrative et financière du Jardin zoologique de Rabat (Maroc).
Le Matin : Quel est le nombre de visiteurs du Jardin zoologique de Rabat depuis son ouverture ?
Salma Slimani : Depuis son ouverture en 2012, le Jardin zoologique national a drainé environ 1,5 million de visiteurs nationaux et étrangers, se positionnant ainsi comme une attraction ludoéducative prisée par les amateurs de la nature et de la faune sauvage.
Vous venez de signer plusieurs conventions de coopération avec différents partenaires publics et privés, pourquoi avoir recouru au parrainage pour sauvegarder certaines espèces de l’extinction ?
Il faut savoir que le maintien de la conception et la gestion actuelle du zoo aux mêmes standards internationaux nécessitent des moyens financiers importants, d’où l’intérêt de chercher des partenariats qui nous appuient dans la mise en œuvre de différents programmes, notamment ceux liés à la conservation des animaux menacés de disparition.
Parlez-nous justement de ce programme de conservation des espèces en voie de disparition ?
Comme je vous l'ai déjà expliqué, ce programme vise à protéger certaines espèces menacées de disparition, notamment le lion de l’Atlas pour lequel le Jardin zoologique a mis en place tout un programme de reproduction et de recherche scientifique, mais aussi d’autres programmes pour sauvegarder des espèces emblématiques, notamment le zèbre, l’ibis chauve et la gazelle. Ces projets nécessitent des fonds importants pour pouvoir les financer et garantir leur aboutissement. Une mission qui demeure très difficile pour le Jardin zoologique en l’absence d’une subvention accordée par l’État. En effet, les seuls fonds dont dispose le Jardin zoologique proviennent des recettes de vente de tickets qui restent insuffisantes pour répondre aux dépenses liées notamment au fonctionnement du zoo, mais aussi à la poursuite des projets de recherche. Cet état des lieux a encouragé donc le parc à recourir à des partenariats avec des entreprises citoyennes dans le but d’inciter chacune d’entre elles à parrainer un seul animal et l’accompagner dans son évolution au sein du parc.
Pensez-vous réintégrer ces espèces dans la nature, une fois l’étape de reproduction achevée ?
La réintégration de ces espèces dans la nature reste actuellement difficile, vu la conjoncture actuelle, car cette étape implique forcément de garantir à cette espèce la survie en milieu naturel. Une condition qui n’est encore pas possible aujourd’hui. Pour mieux vous expliquer, l’introduction par exemple du lion de l’Atlas dépend d’abord de la reproduction de son habitat naturel détruit par l’homme, mais aussi les proies, notamment les sangliers qui ont généralement disparu aussi à cause de l’intervention de l’homme. Il s’agit de reproduire toute la chaine de vie qui a été rompue, ce qui a provoqué un déséquilibre au niveau de la nature.
Justement, vous avez abordé l’aspect relatif à la protection des espèces rares, quelle est l’approche du zoo pour garantir la régénérescence de ces espèces ?
Cela dépend des espèces. Pour le cas du lion de l’Atlas par exemple, nous avons un programme de conservation conforme aux standards établis par l’Association internationale des zoos et aquariums et qui correspond aux standards de l’Union internationale de la conservation de la nature. Ce programme a déjà permis la reproduction de cette espèce. Ainsi, nous avons assisté au cours du mois dernier à la naissance de cinq lionceaux de l’Atlas.
Par ailleurs, nous avons d’autres projets visant la préservation des espèces sauvages dans l’équilibre des écosystèmes et de la biodiversité. C’est le cas notamment du programme de réintroduction des antilopes sahariennes (gazelles, addax, oryx, mouflons) dans leur milieu d’origine dans le sud du Maroc. Ce programme est en effet mené en étroite collaboration avec le Haut-Commissariat aux eaux et forêts et à la lutte contre la désertification. Il consiste d’abord à reproduire ces animaux avant leur transfert dans une réserve naturelle clôturée pour les préparer à réintégrer leur espace naturel, notamment dans la région Essafia dans le sud du Maroc.
Parlez-nous de votre programme de recherche ?
Le zoo a en effet d’un programme de recherche assez important. Nous disposons d’un matériel de pointe, mais aussi d’une clinique d’animaux pour pouvoir hospitaliser tous les animaux blessés. Le Jardin zoologique de Rabat a pu également développer plusieurs partenariats, notamment avec le zoo des Émirats arabes unis, le zoo de Paris, le zoo de Berlin et celui d’Espagne ainsi qu’avec l’Institut agronomique et vétérinaire avec lequel nous maintenons un échange continu d’idées, d’expérience et d’expertise. Cette coopération se fait dans le cadre d’un partage des mêmes valeurs d’éthique et de la conscience de la nécessité de préserver les animaux et de garantir leur bien-être.
Quels sont les objectifs tracés par le zoo dans le cadre de sa mission de préservation de la faune sauvage ?
Comme vous l’avez dit, la mission du Jardin zoologique de Rabat dépasse le divertissement et les missions classiques de la ménagerie ancienne pour remplir un nouveau rôle, à savoir la protection et la préservation des animaux. Aussi, il faut savoir que parallèlement aux missions déjà citées, le zoo joue un rôle très important en matière de sensibilisation des jeunes à l’importance de la préservation de la nature et de la biodiversité naturelle. Cette action est menée dans le cadre d’ateliers pédagogiques organisés au profit des écoles et des enfants. Par ailleurs, le parc dispose d’une ferme pédagogique qui regroupe tous les animaux de la ferme et qui nous sert à expliquer aux enfants toute la chaîne de production de la laine et du lait.
Quels sont les défis à relever actuellement par le zoo ?
Ce sont d’abord des défis financiers, car notre objectif est le maintien des mêmes standards d’hygiène et de propreté afin que le niveau du zoo continue de répondre aux standards internationaux tout en continuant à remplir sa mission pédagogique, ludique et d’attraction et son rôle de conservateur d’animaux rares.
Source : http://www.lematin.ma