Bonjour à tous,
Le temps est venu de vous parler de tout ce qu'il s’est passé ces derniers jours. Notre équipe s’est mobilisée pour tenter de sauver le Béluga perdu dans la Seine dès samedi dernier. Nous savions qu’en intervenant nous allions susciter des vagues de commentaires (positifs et négatifs) et avons décidé de ne pas en tenir compte. Notre moteur n’est pas le commentaire mais l’action et notre conviction de préserver l’intérêt de l’animal.
Samedi matin dès que le Beluga a été signalé sécurisé dans l’écluse, nous avons été sollicité par les services de la Préfecture et les pompiers afin d’en faire une première évaluation et prise en charge médicales. Biotropica et le zoo de CERZA décident de mettre à disposition leurs ressources matérielles et humaines en missionnant immédiatement deux de leurs vétérinaires sur place. Ils y retrouvent les équipes de Sea Shepherd et d’Apex Cetacea qui suivent l’animal depuis plusieurs heures. Ce suivi a été décisif, sans Sea Shepherd et Apex l’animal n’aurait pas pu être sécurisé dans ce bassin, et aucune intervention n’aurait été possible, il aurait continué son chemin pour aller mourir quelque part en Seine, ou accidenté par un bateau. Ils ont de plus démarré une observation H24 qui nous a permis de suivre au mieux son état de santé et son évolution.
Nous découvrons un animal considérablement amaigri, mais encore relativement actif, qui rend l’euthanasie pour raison médicale prématurée à ce stade. Néanmoins, l’animal ne peut rester en eau douce et chaude de façon prolongée. Après nos premiers échanges avec Sea Sheperd et Apex, la priorité identifiée est de l’encourager à s’alimenter. En concertation avec des vétérinaires français et étranger spécialistes des Cétacés, nous avons réalisé par fléchage l’administration des premiers traitements de soutien qui visaient à relancer son appétit. Nous identifions avec Apex leurs besoins en poissons, calamar et crustacés nécessaires à stimuler l’animal. Biotropica en assurera l’approvisionnement régulier jusqu’à l’opération de capture.
Nous assurons la préfecture de notre soutien en terme humain, de logistique et de matériel. Biotropica sera associé par la suite à la totalité des réunions de la cellule de crise, plusieurs fois par jour. Nous constatons qu’une mobilisation humaine et logistique importante se met en place sans tenir compte de l’heure du jour, de la nuit, ou du week-end. Chacun a conscience que le temps est compté.
Des différents scénarios possibles, c’est la tentative de transport vers un bassin d’eau salé qui est retenue, et qui le rapproche de la mer tout en permettant de le suivre encore quelques jours, compte tenu de son état de santé préoccupant. Un bassin du port de Ouistreham est identifié comme une option favorable. Les équipes de Marineland et de Planète sauvage, des vétos pompiers, et le réseau Pelagis nous rejoignent pour les parties techniques et médical. Les pompiers plongeurs enfin. Tout se coordonne. Le reste de la mobilisation technique (engins de levage, camions, etc…) se met également en place parallèlement, en un temps record, que nous savons déjà jugé « trop long » par les commentateurs restés dans leur fauteuil. Le temps nous manque pour communiquer et faire de la pédagogie, mais si nous le prenons, ce sera au détriment des autres aspects de l’intervention ou de notre boulot au parc, qui ne s’est pas arrêté !! Mille excuses pour cela.
Le top du début de l’opération est donné. Deux vétos de CERZA sont sur place, pour Biotropica François notre véto-directeur et son adjoint Maxence (directeur technique) sont également sur place. Les plongeurs sont à l’eau, les briefings sont faits. Le béluga déjoue un peu notre premier plan mais finit par être sécurisé dans le filet. Incroyable boulot des pompiers plongeurs dans la manipulation du filet de nuit dans de l’eau opaque. Incroyable boulot d’Apex et des soigneurs plongeurs de Planète Sauvage pour sécuriser l’animal dans le filet et la préparation de sa sortie par la grue. Respect immense. Maxence, qui a du modifier, découper, ressouder le matériel à 3h du mat’ pour en maximiser la sécurité en cours d’opération, coordonne le travail de la grue. François est sur la barge, comme les autres vétos, équipés de combinaisons pour réaliser les soins, les examens et les prélèvements pour analyse.
Malgré un plan qui a du nécessairement s’adapter aux imprévus au fil du temps, la coordination et l’expertise de tous a mené à la capture de l’animal dès la première tentative. La grue le sortira de l’eau. Vision saisissante de cet animal en détresse soulevé dans les airs, et de tous ces humains là pour l’aider. Certitude qu’aucune des personnes présentes n’oubliera cet instant. Le beluga (que nous sexons mâle à ce moment), est délicatement posé sur les matelas du plateau d’une barge qui l’emmène rapidement au site de chargement. Les soins vétos commencent à ce moment dans une parfaite coordination, juste sur le temps du transfert en barge, pour ne pas perdre une seconde.
Les premiers prélèvements, sanguins notamment sont déjà partis avant même que la barge ne s’éloigne, analysés sur place ou acheminés immédiatement dans une clinique véto restée ouverte pour nous.
Arrivé au quai de chargement, les vétos partent finir l’analyse des prélèvement suivants et déjà étudier les premiers résultats qui arrivent. François et Maxence restent avec l’animal pour le placer grâce la grue dans son module/cadre de transport, puis Maxence le charge dans le camion réfrigéré où il restera le temps du voyage vers Ouistreham, hydraté en permanence par les vétos et soigneurs qui resteront avec lui à chaque minute.
L’état de l’animal est stable, il est calme, chargé dans le camion. Nous sommes noués de voir une telle splendeur de la Nature dans un tel état de maigreur. Nous sommes parfaitement conscients de son état général plus que préoccupant et son pronostic compromis. Néanmoins, l’animal désormais dans ce camion s’éloigne d’un milieu pollué et trop chaud qui le condamnait à court terme quoiqu’il arrive.
Nous apprendrons plus tard que malheureusement, malgré nos efforts et cette incroyable mobilisation, la difficile décision d’euthanasier le Béluga a du être prise en cours de trajet, alors qu’il montrait des signes d’insuffisance respiratoire. Nous savions que le risque était grand que cela arrive, et sommes solidaires de cette décision. Nous y étions préparés mais cette nouvelle nous attriste profondément. Pas une minute n’aura été perdue depuis que l’animal a été signalé. Pas une chance de succès n’a été perdue du fait d’un égo mal placé ou une querelle politico-médiatique.
Biotropica assume totalement être intervenu dans ce cas, en participant bénévolement à la tentative d’intervention dans ce type de situation, pour lequel notre pays n’est qu’assez peu préparé. Nous y avons apporté nos bras, nos moyens et nos cœurs. Nous y avons rencontré des personnes de tous horizons, et pu apprécier leur énergie et leur dévouement. Nous n’imaginions pas que le destin nous conduirait à intervenir aux cotés de Sea Sheperd un jour dans une opération, mais l’expérience nous montre que cela a été possible. Bien que se matérialisant au quotidien de façon très différente, nos ambitions de défense du monde sauvage se sont ici retrouvées pour servir un objectif commun.
Certains commentateurs nous jugerons sans doute durement pour cette intervention. Sincèrement : tant pis. Si c’est à refaire, nous nous remettrons à disposition d’une telle équipe et donnerons le meilleur de la nôtre. Toujours plutôt du côté de l’action intelligente que du commentaire.
Merci à notre Sous-préfète d’Evreux Isabelle Dorliat-Pouzet, qui a réalisé un travail d’écoute et de coordination courageux et remarquable. Merci à Clément et Alexis d’ Apex Cetacea et aux équipes de Sea Shepherd France pour votre mobilisation et votre présence aux côtés du Beluga dès les premières minutes. Quelle rencontre imprévue ! Immense merci à nos collègues de Planète Sauvage et MARINELAND , quelle chance c’était de vous avoir ( humains et expertise ) pour cette intervention. Merci aux pompiers, gendarmes, techniciens mobilisés dans cette opération. Merci à nos cadres et dirigeants d’être toujours du bon côté, sans être paralysé par le « qu’en dira-t-on ». Merci à l’ensemble de nos équipes techniques, animalières et vétérinaires de CERZA Parc des Safaris et Biotropica en Normandie, présentes ou non sur le site. Nous ne sommes pas très nombreux, mais encore ici votre humanité et votre compétence a bougé des montagnes. La destination n’a pas été atteinte. Mais ce chemin parcouru ne l’avait jamais été auparavant, et il nous a rapproché du but.
Source (avec photos) : https://www.facebook.com/biotropicaennormandie/posts/pfbid024ZBd2hACuCZbokUAVf8qFFaSvc4dqhnsAsEJAjpScLHCTB3LvWhfC9sc8QxaM7rXl