Espaces zoologiques en Chine : passé, présent et... avenir ?!

J'ai eu la chance de visiter trente espaces zoologiques chinois, majoritairement au cours de trois voyages effectués en 2007, en janvier/février, puis juillet et enfin décembre. Mon premier contact avec l'Asie date de 2001 lorsque j'avais effectué un séjour d'une dizaine de jours sur l'île de Taïwan. J'avais alors passé une journée au Taipei Zoo, ouvert en 1986 et s'étendant sur une zone de près de 165 hectares. Je garde de cette visite des souvenirs d'un parc zoologique de très grande taille, d'installations animales parfois gigantesques, mais aussi souvent artificielles... Certaines zones étaient par contre beaucoup plus naturelles, avec une dense végétation tropicale. La forêt des papillons fut une découverte particulièrement impressionnante. J'eus l'occasion de retourner en Asie en 2004, cette fois à Hong Kong. Ce territoire, du fait de son histoire particulière et de son statut actuel de région administrative spéciale (RAS) de la République populaire de Chine (RPC), est encore très différent de la Chine. Il en est de même pour les divers espaces zoologiques hongkongais par rapport à ceux que l'on trouve en Chine. Il est pourtant assez facile de faire une première incursion en Chine à partir de Hong Kong et d'en découvrir les prémices. Ainsi, lors de ce même voyage, j'avais passé une journée à Macao, l'autre région administrative spéciale du pays. Le Jardim da Flora et le Parque de Seac Pai Van, les deux petits zoos locaux, m'avaient offert un premier aperçu des conditions de détention dans les zoos chinois et des caractéristiques propres à ceux-ci. Il m'a fallu pourtant attendre janvier 2007 et un nouveau voyage pour prendre vraiment la mesure de tout cela. Au matin du 29 janvier 2007, je franchissais le vaste porche d'entrée du fameux Beijing Zoological Gardens...

Chine, terre de contrastes, de démesures et de diversités

La Chine, ou plus précisément la République Populaire de Chine, est aujourd'hui le pays le plus peuplé au monde avec plus de 1,3 milliard d'habitants. Sa superficie de près de 10 millions de km² en fait également le troisième plus grand pays au monde, après la Russie et le Canada. L'indicateur de développement humain (IDH) mesure le niveau atteint par un pays en termes d'espérance de vie, d'instruction et de revenu réel corrigé. Celui de la Chine est de 0,777 selon le rapport mondial sur le développement humain 2007/2008. Ceci place ce pays au 81e rang, dans la catégorie des pays à développement moyen. Il est à noter que la Chine est considérée comme le pays au plus important accroissement de cet indice depuis 1990, avec une progression de 14 places. Il y a fort à parier que la Chine passera dans la catégorie des pays à développement humain élevé au cours des prochaines décennies. Actuellement, le Pays du Milieu est également classé 2e puissance économique mondiale selon le calcul du produit intérieur brut (PIB) en parité de pouvoir d'achat (PPA) et 4e selon le critère monétaire traditionnel. Officiellement pays communiste, la République Populaire de Chine a adopté une économie socialiste de marché où libéralisme économique et contrôle politique se côtoient en une formule spécifique.

Quant à la biodiversité, elle est particulièrement importante en Chine en raison de la superficie gigantesque du pays et de la grande diversité des habitats. En ce qui concerne les vertébrés, le pays est d'ailleurs classé comme l'un des cinq pays les plus riches au monde, fait remarquable pour un pays largement tempéré. Plus de 1300 espèces d'oiseaux, 500 espèces de mammifères, 300 de reptiles et 200 d'amphibiens sont répertoriées sur le territoire, avec un taux d'endémicité non négligeable.

Histoire ancienne et découvertes récentes

Comme cela se faisait dans beaucoup de pays, quelques Chinois disposaient déjà de ménageries privées, plusieurs siècles avant notre ère. La majorité d'entre elles avaient été construites dans un but de décoration, de chasse et de pêche. Les documents historiques à ce sujet restent malheureusement peu nombreux et il est difficile d'évaluer le type de relations des Chinois avec les animaux à cette époque. A la fin du XIIIe siècle, le grand voyageur Marco Polo décrivit les ménageries des Mongols, suite à son voyage en Chine en 1271. Ce sont surtout les ménageries de l'empereur Houpilaï qui attirèrent son attention et sa curiosité. Au fil des siècles, les autres empereurs et seigneurs chinois développèrent d'autres établissements où ils conservaient des animaux exotiques, mais aucun ne marqua réellement l'histoire.

Le père Armand David (1826-1900), missionnaire lazariste et naturaliste français, voyagea à plusieurs reprises en Chine et envoya en Europe de nombreux spécimens de la faune et de la flore locales. Il découvrit, entre autres, le fameux cerf du Père David (Elaphurus davidianus) dans la ménagerie seigneuriale de Kiangsu, aujourd'hui connue sous le nom de Nanhaizi Milu Park. Le père David fut également le premier occidental à découvrir le grand panda (Ailuropoda melanoleuca) en 1869.

Beijing Zoological Gardens, premier zoo chinois

Le premier véritable parc zoologique chinois fut probablement le Zoo de Pékin, ou Beijing Zoological Gardens. Fondé en 1906, il se nommait d'abord Wan Sheng Yuan, le « Jardin aux innombrables animaux domestiques ». Il était alors installé sur une superficie de 3,5 hectares et était une section de Zhongyang Nongshi Shiyanchang, la « Ferme Expérimentale Agricole Centrale de Recherches ». La création de cette ferme de recherches était un des derniers efforts de la dynastie Qing pour moderniser ses établissements scientifiques et technologiques, avant son effondrement final en 1911. Une commission avait visité l'Europe et les États-Unis en 1905 et 1906 pour étudier les établissements gouvernementaux de ces pays et était revenue avec la recommandation de créer un jardin d'acclimatation. Un premier lot d'animaux avait alors été commandé au marchand Carl Hagenbeck de Hambourg (Allemagne) ; il comprenait 134 animaux appartenant à 58 espèces. Par la suite, l'acquisition d'espèces chinoises permit d'augmenter la collection animale.


Entrée du Zoo de Pékin - janvier 2007

Le Wan Sheng Yuan fut inauguré le 18 juin 1908 et s'avéra immédiatement populaire dans une société où les jardins zoologiques étaient peu connus. Suite à la proclamation de la République de Chine en janvier 1912, le Zoo de Pékin connut quelques difficultés. Les problèmes furent en partie résolus à la fin des années 1920 avec l'établissement du régime du Guomindang sous Chiang Kai Shek, mais Pékin perdit son statut de capitale en 1928. La collection animale fut alors fortement réduite. Par la suite, Pékin fut occupé par les Japonais de 1937 à 1945 et souffrit de la guerre civile à partir de 1945 entre le Guomindang et les communistes de Mao Zedong. Quand Pékin fut à nouveau proclamé capitale en 1949, le zoo ne comptait plus qu'un émeu aveugle, trois perroquets et une douzaine de singes.

Déterminés à faire du zoo un établissement national, les communistes ouvrirent à nouveau la « Ferme Expérimentale Agricole Centrale de Recherches » en 1950, puis la totalité du terrain fut consacré au parc zoologique qui devint le Beijing Dongwuyuan, « Jardin Animalier de Pékin », le 10 avril 1955. En 1958, la superficie du terrain fut agrandie pour atteindre 35 hectares. De nombreux bâtiments et installations furent construits et la collection animale augmenta d'années en années.
Enfin, depuis l'inauguration d'un nouvel aquarium et de structures pour pachydermes en 1999, le Zoo de Pékin compte une trentaine d'installations couvrant une superficie de 90 hectares. La collection animale est constituée d'environ 15 000 animaux appartenant à près de 1600 espèces.
L'organisation des Jeux Olympiques d'été de 2008 à Pékin a entraîné un nouvel élan de rénovations et de constructions. La destruction totale du parc zoologique et son déménagement en périphérie de la capitale avaient d'ailleurs été évoqués pour construire le village olympique, mais cette première idée a été rapidement abandonnée. De nouvelles espèces, telles que des koalas offerts par l'Australie, feront leur apparition à Beijing en 2008. Des rénovations sont également en cours et, lors de ma visite en janvier 2007, toute l'ancienne zone des fosses des ursidés et des cages des félidés avait déjà été détruite.

Autres parcs zoologiques construits au début du XXe siècle

D'autres établissements zoologiques furent aménagés au début du XXe siècle dans plusieurs villes chinoises. Il s'agissait, entre autres, de la ménagerie municipale de Chengdu, créée en 1909. A la même époque, Qingdao se dota également d'un parc zoologique, au cours de la présence allemande dans cette ville. Un autre zoo fut créé en 1911 à Canton (Guangzhou). La plupart d'entre eux ne résistèrent pas aux périodes troubles qui s'ensuivirent en Chine et furent remplacés par de nouveaux établissements dans la seconde moitié du XXe siècle.

Période de création de zoos urbains suite à une nouvelle situation politique

La proclamation du régime communiste en 1949 entraîne un nouvel élan de créations de parcs zoologiques. Conçus pour offrir au peuple récréation et accès collectif à la culture, ils sont le plus souvent bâtis dans les grandes villes, elles-mêmes en cours de développement. Le Shanghai Zoo, inauguré le 25 mai 1954, est sûrement l'exemple le plus connu et le plus important. Celui de Chengdu est inauguré, quant à lui, en 1953 ; celui de Canton en 1958 ; celui de Qingdao en 1977... et les exemples sont multiples ! La plupart de ces établissements furent conçus selon des approches anciennes, accumulant des rangées de cages nues et des fosses bétonnées. Peu furent rénovés ou améliorés au cours des décennies. Malgré leur installation en zone urbaine, ces espaces zoologiques sont habituellement assez étendus, totalisant 16 hectares par exemple à Chengdu, 31 à Qingdao, 42 à Canton et même 74 hectares à Shanghai. Le nombre d'animaux et d'espèces présentés sont également très importants : 3900 animaux appartenant à 450 espèces à Shanghai, 4000 animaux appartenant à 400 espèces à Canton, plus de 250 espèces à Chengdu... Tout cela participe bien sûr à la démesure omniprésente en Chine.

Une étape importante fut franchie en 1985 avec la création de la Chinese Association of Zoological Gardens (CAZG). Elle a rapidement regroupé en association plus de 150 espaces zoologiques du pays. Dès la fin des années 1980, plusieurs colloques furent organisés en collaboration avec des zoos américains dans le but d'enseigner aux professionnels des zoos chinois les bases des rôles des zoos modernes ainsi que du maintien en captivité d'espèces de faune sauvage. C'est ainsi qu'un programme de reproduction en captivité de la rare sous-espèce de tigre de Chine (Panthera tigris amoyensis) put être mis en place ; les efforts quant à la reproduction du grand panda furent également intensifiés et diversifiés.

Tout cela aura beaucoup fait pour la gestion des populations captives dans les zoos chinois, mais il reste encore de nombreux éléments à améliorer, surtout au niveau du bien-être individuel de chaque animal. Le visiteur occidental est, en effet, surpris par le manque d'enrichissement et d'aménagement des installations. Ce ne sont pas vraiment les enclos en eux-mêmes, ni même leur superficie ou leur conception générale, qui posent problème, mais bien leur aménagement intérieur ! Tous ces zoos urbains, construits au cours des cinquante dernières années, disposent, et c'est une de leurs caractéristiques, d'imposants bâtiments et de nombreuses structures pour les animaux. Du béton et des matériaux non naturels ont souvent été utilisés à outrance, mais cela n'empêcherait en rien d'enrichir l'espace de vie de chaque animal présenté.

Comme nous l'avons vu, la conservation et la recherche, plus particulièrement à propos de quelques espèces emblématiques, sont tout de même développées en Chine, mais qu'en est-il de l'éducation ? Celle-ci reste malheureusement encore primaire dans la grande majorité des parcs zoologiques que j'ai visités en 2007. Les panneaux sont souvent de petite taille, peu attractifs, avec des informations parcellaires... De plus, l'identification des espèces présentées est souvent hasardeuse et même imaginative ! Au contraire, certains aquariums chinois ont su développer une pédagogie fort riche, comme nous allons le voir un peu plus loin, et cet exemple devrait être suivi par les zoos.


Chimpanzé mâle adepte de Coca-Cola
au Shanghai Wild Animal Park - juillet 2007

En ce qui concerne les visiteurs chinois, ils sont parfois encore relativement indisciplinés et peu respectueux des animaux. Donner une banane à travers le grillage à un singe doré ou à un semnopithèque de François ou jeter une pierre à un tigre de Chine pour le faire bouger sont malheureusement des clichés encore fréquents. J'ai même vu, au Shanghai Wild Animal Park, un chimpanzé accro au Coca-Cola et approvisionné par les visiteurs. Malgré cela, et en considérant la totalité de mes visites sur place en 2007, nous pouvons nous montrer relativement positifs à ce sujet. Des évolutions favorables semblent se dessiner ces dernières années.
Il est à noter que chaque zoo chinois accueille généralement plusieurs millions de visiteurs par an. Le Zoo de Pékin détient probablement le palmarès avec un chiffre annuel fluctuant entre 8 et 12 millions de visiteurs. Le Zoo de Shanghai, quant à lui, en accueille un peu plus de 2,5 millions par an. Il en est de même pour tous les zoos chinois d'une certaine importance ! Tout cela représente un très fort potentiel d'éducation et de sensibilisation au respect de la nature et de la faune.

Les animations auprès d'animaux dans un but pédagogique, comme cela se développe beaucoup dans les zoos anglophones et francophones, sont malheureusement inexistantes dans les zoos chinois... Les spectacles d'animaux sont par contre très fréquents, faisant intervenir éléphants, mammifères marins, grands félins et primates dans des shows quotidiens et répétitifs. Nous développerons ce sujet un peu plus loin en évoquant les nouveaux établissements ouverts en Chine au cours des années 1990.

Enfin, l'amusement du public semble bien pris en compte en Chine, entre autres par l'intermédiaire de tous ces spectacles. La présence de nombreuses attractions et manèges est également à noter. Les aires de jeux pour enfants avec balançoires, toboggans et autres structures sont par contre totalement absentes, reflétant là encore une culture totalement différente de la notre.

A côté de ces nombreux parcs zoologiques d'une certaine importance, la Chine dispose également de parcs de plus petite taille. Il s'agit souvent de quelques cages installées dans un parc public, comme c'est le cas au Heping Park et au Yangpu Park de Shanghai. Les cages et enclos sont majoritairement anciens et obsolètes. Un manque d'organisation global, à l'inverse de ce qui peut se voir dans les zoos traditionnels, est également notable. Enfin, le bien-être animal est souvent très peu pris en compte, encore moins que dans les zoos précités.

Nouvelle vague de création de Wild Animal Parks dans les années 1990

Les années 1990 ont vu le développement d'un nouveau type d'espaces zoologiques en Chine, les Wild Animal Parks. Il est difficile de cerner précisément où tout a commencé, mais le Safari Park Shenzhen, inauguré en 1993, est souvent considéré comme le premier parc de ce type. Outre diverses caractéristiques que nous allons préciser, la nouveauté majeure était la possibilité de visiter certains enclos en véhicule. Ce concept de safari fut initialement développé en Europe et en Amérique du Nord à la fin des années 1960 et au début des années 1970. A Shenzhen, il ne s'agissait au départ que de quelques enclos pour ours, lions, tigres... Le concept de safari fut élargi et développé dès les années suivantes avec, entre autres, l'inauguration du Shanghai Wild Animal Park en 1995. Les années suivantes, ce furent des dizaines de parcs similaires qui furent construits en Chine : le Badaling Safari World au pied de la Grande Muraille, à quelques dizaines de kilomètres au nord de Pékin, le Xiangjiang Safari Park Guangzhou dans la périphérie de Canton, le Chengdu Wildlife World, le Qingdao Forest Wildlife World, le Bifengxia Wild Animal Park au sud de Chengdu... et une multitude d'autres établissements ! A l'heure actuelle, la Chine dispose probablement de près d'une centaine d'espaces zoologiques de ce type.

Mais de quoi s'agit-il précisément, qu'est-ce qu'un Wild Animal Park chinois ?! Sans n'avoir jamais visité aucun zoo des États-unis, j'ai le sentiment qu'une certaine origine peut y être trouvée... En visionnant de nombreuses cartes postales de zoos américains des années 1970, on retrouve certains clichés très présents aujourd'hui dans les Wild Animal Parks chinois, comme ces arènes de spectacle, la possibilité d'effectuer sa visite à bord de voiturettes, les foules omniprésentes...

La visite de ces espaces zoologiques est divisée en une partie parcourue en véhicule et un parc plus traditionnel visité à pieds. La plupart de ces parcs sont installés sur de très grande superficie, plus de 100 hectares, parfois même plusieurs centaines d'hectares. Les sites choisis, bien que souvent dans des zones touristiques ou tout au moins relativement facilement accessibles, sont généralement de superbes sites naturels : une zone d'étangs et de marécages pour le Shanghai Wild Animal Park, une superbe forêt montagneuse pour le Bifengxia Wild Animal Park, un site de canyons et de collines rocheuses sous la Grande Muraille pour le Badaling Safari World... De tels espaces offrent un cadre absolument superbe pour la présentation d'animaux exotiques, mais ont malheureusement été très peu mis en valeur voire même complètement ignorés lors de la conception. De telles superficies si importantes obligent également les visiteurs à emprunter de petits véhicules électriques pour visiter la partie normalement visitable à pieds.

Une analyse rapide des chiffres publiés quant aux collections animales présentées donne également un aperçu de la démesure. Il s'agit souvent de plus de 10 000 animaux, voire même 20 000, et de plusieurs centaines d'espèces. Même si ces chiffres sont quelques peu exagérés pour attirer le public, une visite d'un Wild Animal Park chinois est impressionnante.
Une grande partie des espèces présentes appartiennent bien sûr à la faune locale, avec des groupes reproducteurs de takins du Sichuan (Budorcas taxicolor tibetana), de rhinopithèques de Roxellane (Pygathrix roxellana), de semnopithèques de François (Trachypithecus francoisi) et bien d'autres espèces chinoises. Les grands pandas et les petits pandas du Styan (Ailurus fulgens styani) possèdent également une place de choix et sont visibles dans la plupart de ces établissements, dans des installations de plus ou moins bonne qualité.
Les espèces africaines sont également très présentes avec des grands groupes d'ongulés, de girafes, d'hippopotames, de rhinocéros blancs... Certains de ces animaux sont probablement importés directement d'Afrique ; c'est en tout cas connu que la Chine est un des plus gros importateurs de rhinocéros blancs vivants et j'ai observé en 2007 plusieurs dizaines de jeunes individus de cette espèce. Rien que le Xiangjiang Safari Park Guangzhou en possédait sept lors de ma visite en décembre. Des espèces sud-américaines, en particulier de petits primates comme les saimiris, voire même des atèles, sont également très présentes. Les grands carnivores, ours, lions, tigres et autres félidés, forment bien sûr une grande part de l'attractivité des safaris. Ces animaux sont présentés par groupes de plusieurs dizaines d'individus et c'est typique pour ce genre de parcs. En janvier, j'ai par exemple observé au Badaling Safari World plus de 35 lions dans un même enclos, et de plus une grande majorité de mâles. Des guépards occupent parfois des enclos visitables en voiture, tandis que des panthères des neiges ne sont pas si rares dans les zones visitables à pieds. La présence de certaines espèces est parfois plus surprenante. La plus étrange surprise fut probablement pour moi la découverte d'un groupe de six jeunes doucs à pattes noires (Pygathrix nigripes) au Xiangjiang Safari Park Guangzhou en décembre 2007. Leur origine exacte reste encore très mystérieuse.
Des collaborations internationales et échanges d'animaux sont parfois également organisés. Le Xiangjiang Safari Park Guangzhou a ainsi obtenu en avril 2006 six koalas (Phascolarctos cinereus) du Currumbin Wildlife Sanctuary (Australie). Ces animaux se sont reproduits dès août 2006 et deux jumeaux ont même vu le jour le 16 octobre de la même année. Le parc présentait en décembre 2007 dix koalas, effectif que je n'avais jamais observé auparavant dans un même parc zoologique.


Doucs à pattes noires au Xiangjiang Safari Park Guangzhou - décembre 2007


Koala au Xiangjiang Safari Park Guangzhou - décembre 2007

Les reptiles sont relativement peu représentés dans les Wild Animal Parks chinois, à part bien sûr les traditionnels alligators de Chine (Alligator sinensis). On retrouve parfois des crocodiles du Nil (Crocodylus niloticus) ou des crocodiles indopacifiques (Crocodylus porosus) et quelques espèces de serpents. Les salamandres géantes de Chine (Andrias davidianus), si rares en captivité en Europe, sont bien présentes dans ces établissements chinois. Quant aux oiseaux, ils sont plus ou moins représentés. Le visiteur trouve parfois quelques rapaces nocturnes dans des séries de petites volières, mais la majorité des oiseaux sont présentés dans de gigantesques volières où le public peut entrer. Ces volières, le plus souvent une par établissement, sont gigantesques, totalisant parfois plus d'un hectare de terrain couvert, souvent avec une importante végétation. La hauteur sous filet est également importante, parfois plusieurs dizaines de mètres. La volière du Bifengxia Wild Animal Park est dans ce sens particulièrement impressionnante. Les espèces qui cohabitent dans de telles structures sont très variées, incluant grues, anatidés, corvidés, laridés...

Une autre caractéristique des Wild Animal Parks chinois est malheureusement la quantité impressionnante de spectacles proposés quotidiennement aux visiteurs. Ceux-ci font intervenir principalement grands félins, ursidés, éléphants, mammifères marins et primates, dans des spectacles de cirque typiques et humiliants. Alors que l'animal captif peut très bien être un magnifique support de transmission de connaissances et de respect du monde animal, les animaux participant aux shows chinois n'ont aucun de ces attributs. Une musique tonitruante, les cris des spectateurs et des dresseurs, souvent plusieurs sur la piste, les regroupements d'animaux si divers et les tours qui leur sont demandés n'ont rien de naturel et de pédagogique... bien au contraire... Il serait difficile de citer toutes les horreurs observées au cours de ces spectacles. Le spectacle du Shanghai Wild Animal Park m'avait particulièrement choqué en juillet dernier avec un combat de boxe d'ours à collier (Ursus thibetanus), ces animaux étant d'ailleurs toujours obligés de se déplacer debout. Le show s'était terminé par la prestation d'un jeune rhinopithèque de Roxellane, animal pourtant si rare et délicat !
Les locaux utilisés pour garder les animaux entre les spectacles sont également loin d'être adaptés et sont habituellement de simples petites cages. Par ailleurs, la sécurité des spectateurs est fort discutable. Le souvenir de visiteurs se déplaçant au milieu de cinq éléphants sur la piste, dont quatre mâles, avec une surveillance très limitée des soigneurs reste gravé dans ma mémoire.


Combat d'ours au Shanghai Wild Animal Park - juillet 2007


Spectacle d'éléphants au Shanghai Zoo - juillet 2007

En sus de tous ces spectacles, il est également proposé aux visiteurs de prendre des clichés avec des animaux. Ainsi, tout au long de sa visite, le visiteur se retrouve sur de petites places en face d'un éléphant, d'un ours à collier ou même d'un tigre, et il lui est proposé de s'approcher pour être pris en photographie. Là encore, le bien-être animal est fortement discutable. Le danger relatif à de telles pratiques est aussi non négligeable, plusieurs accidents ayant d'ailleurs déjà été relatés.


Séance de photographies avec un ours au Safari Park Shenzhen - décembre 2007


Séance de photographies avec un tigre au Safari Park Shenzhen - décembre 2007

Le nourrissage des fauves avec des animaux vivants dans les Wild Animal Parks est également connu depuis la fin des années 1990. Je me souviens très bien d'un matin de l'été 1999, alors que je me préparais à aller visiter le Zoologischer Garten Augsburg (Allemagne) ; j'étais tombé au petit-déjeuner sur un journal local où figurait une impressionnante photographie montrant une vache au milieu de plusieurs grands lions. Ces images, prises au Badaling Safari World, avaient fait le tour de l'Europe et avaient scandalisé de nombreuses personnes et associations, mais ces pratiques ont continué à se développer et existent toujours à l'heure actuelle. Au Shanghai Wild Animal Park, des poulets vivants sont accrochés aux autocars qui traversent les enclos des grands fauves. La relation prédateur-proie n'est pourtant pas toujours si facile et les images filmées au Qingdao Forest Wildlife World par Pierre Livet en juin 2007 sont particulièrement évoquantes. Là, à l'instar de ce qui se faisait à l'époque romaine dans les arènes surpeuplées, une vache est mise en présence d'un couple de lions. Alors qu'on pourrait s'attendre à une mise à mort rapide du bovin, un jeu de courses poursuites et de face à face s'ensuivit pendant plus de vingt minutes, et les lions reculaient parfois face au ruminant ! Finalement, le lion mâle jeta à terre la vache et assura sa prise à la gorge. C'est alors que le personnel du parc intervint pour éviter la mise à mort, les fauves furent rentrés et la vache récupérée. Dans ce même parc, il était également proposé aux visiteurs d'acheter volailles et chèvres qui étaient jetées en pâture dans les fosses aux fauves.

La majorité de ces Wild Animal Parks chinois furent créés dans un but commercial. De telles installations nécessitent un investissement considérable et leur rentabilité réelle est parfois discutable... De plus, certains ont déjà dû fermer leurs portes. Le 15 juillet 2007, je me suis ainsi trouvé face à une vaste grille installée devant l'entrée du Chengdu Wildlife World, situé à Jintang, à une trentaine de kilomètres au nord de Chengdu. Ce parc avait été ouvert au début de l'année 2002 sur une vaste superficie et disposait, comme les autres Wild Animal Parks chinois, d'une importante collection animale et d'imposants bâtiments et installations. J'appris alors qu'il avait fermé définitivement ses portes en mars 2007, après à peine cinq ans d'exploitation. L'immense arche d'entrée, tombant déjà en ruines, me laissa une impression étrange, me rappelant la croissance effrénée rencontrée si souvent dans ce pays, mais aussi son côté éphémère !

Les premiers Wild Animal Parks chinois ouverts au milieu des années 1990 commencent tout de même à évoluer. En décembre 2007, d'importants travaux étaient en cours au Safari Park Shenzhen dans le but de transformer l'ancienne zone visitable en autocar, en zone visitable à pieds. Les anciens chemins routiers seront remplacés par des passerelles surélevées, à partir desquelles les visiteurs pourront observer les fauves à leur guise. Le Xiangjiang Safari Park Guangzhou, probablement un des meilleurs si ce n'est le meilleur zoo en Chine, a également transformé complètement son safari en 2004. La visite ne se fait plus à bord d'autocars, mais grâce à un petit train sur roue. Les visiteurs se retrouvent plus proches des animaux, ressentent une plus grande impression de liberté... Le petit train ne traverse plus directement les enclos des carnivores, mais les longe simplement, offrant aux animaux un repos relatif et surtout des possibilités de retrait et d'isolement. Les herbivores ont été séparés en plusieurs zones géographiques ; l'Afrique a même été divisée en une zone des plateaux d'Afrique du Sud et une zone des savanes d'Afrique de l'Est !
Toutes ces possibilités d'évolution positives seraient à étudier pour tous les autres espaces zoologiques de ce type et pour toute nouvelle création chinoise. De plus, une étude approfondie des zoos américains et de leurs évolutions pourraient également apporter des éléments utiles !

Shanghai Natural Wild-Insect Kingdom et Crocopark Guangzhou, deux parcs spécialisés

Avant d'évoquer le cas des aquariums en Chine, nous pouvons encore nous attarder sur le cas de deux parcs spécialisés : le Shanghai Natural Wild-Insect Kingdom et le Crocopark Guangzhou. Là encore, le concept semble intéressant, mais la façon de l'aborder sur place révèle certains points sensibles. Le Shanghai Natural Wild-Insect Kingdom, inauguré en avril 2006 en plein cœur de Shanghai, présente sur 2000 m² une collection très variée. Les mammifères y sont représentés surtout par de petites espèces, relativement courantes, mais vivant ici dans de simples petites cages nues sans aucun enrichissement. Lors de mon passage en juillet 2007, aucun papillon ne volait dans la serre qui leur était dédiée. Par contre, une riche collection d'insectes en tous genres était présentée dans une seconde salle ; il s'agissait majoritairement de scarabées et d'espèces du genre Orthoptera. En descendant au sous-sol, je découvris une collection de plus de 80 espèces de tortues. Malheureusement, la très grande majorité d'entre-elles vivaient dans de tout petits terrariums et souvent solitaires... Plusieurs dizaines d'espèces d'anoures, de lézards divers, quelques serpents et des animaux de compagnie complétaient encore les présentations. En consultant le site internet du Shanghai Natural Wild-Insect Kingdom et en lisant quelques notes avant ma visite, j'avais vraiment été enthousiasmé par le concept centré autour des insectes, de leurs comportements, de leur place dans les milieux naturels... Une fois sur place, la déception fut vraiment grande et j'eus beaucoup de mal à saisir l'intérêt de regrouper un si grand nombre d'espèces dans des locaux si sombres et restreints. Un choix précis de quelques espèces et une bonne présentation aurait permis une pédagogie si intéressante !
Le Crocopark Guangzhou, ouvert au public en 2004, se targue d'être le plus grand élevage au monde ouvert au public. Sur plus de 25 hectares, 100 000 crocodiles y vivent dans de vastes plans d'eau d'élevage. Plusieurs zones sont également organisées uniquement pour la présentation au public avec de petits bassins pour certaines espèces de crocodiliens, un vivarium, un bassin de spectacle pour otaries et un autre de spectacle avec crocodiles, un bassin pour un couple d'hippopotames... Le plus surprenant et le plus choquant sont les deux premiers bâtiments situés juste après l'entrée. L'un contient les différents ateliers et cuisines où sont tués et débités les crocodiles. Le visiteur a donc tout loisir d'observer le découpage de ces animaux, puis la préparation de la viande et le traitement des peaux ; un atelier de maroquinerie y est également installé. Le second bâtiment est une boutique où le public peut acheter tous les produits issus de l'élevage : objets en peaux (veste, portefeuille, bottes...), viande séchée, viande crue, animaux naturalisés, crânes... En sus de tout cela, les conditions de vie des animaux dans cet établissement sont loin d'être optimales. Une rangée de cages présente aussi un certain nombre de crocodiles difformes ou mutilés, une vraie galerie des horreurs !
Un autre espace zoologique particulier existait également à Canton entre 2000 et 2005 ; il s'agissait du Chime-Long Night Zoo, parc zoologique visitable uniquement la nuit, construit selon le modèle du Night Safari de Singapour.
Les espaces zoologiques spécialisés semblent pour le moment encore peu développés en Chine, mais les choses peuvent changer très rapidement à l'avenir. Alors qu'ils pourraient très bien être justement spécialisés dans le maintien en captivité d'un petit nombre d'espèces spécifiques, ceux existant à l'heure actuelle semblent au contraire regrouper tous les défauts des parcs zoologiques plus traditionnels !

Aquariums en Chine

Les origines du maintien en captivité de poissons sont très anciennes. En effet, l'aquarium, en tant que réservoir destiné à entretenir des animaux ou des plantes aquatiques dans un but d'amusement ou d'étude, ne trouve pas ses origines, à l'inverse des ménageries ordinaires, dans l'antiquité gréco-romaine. Les anciens ne connurent en Europe, jusqu'au XVIe siècle, que l'élevage des poissons ou des huîtres, dans un but culinaire, comme au temps des Romains. L'aquarium proprement dit fut inventé par les Chinois pour garder en captivité le carassin doré (Carassius auratus), plus communément appelé poisson rouge. L'espèce fut domestiquée vers l'an 950, d'abord dans la province de Zhejiang d'où elle paraît être originaire ; puis, la coutume se répandit peu à peu dans les autres provinces de la Chine, et tous les grands possédèrent bientôt des poissons dans les bassins de leur jardin. De leur côté, les dames chinoises en conservaient dans des vases en porcelaine, ou des globes de cristal, qu'elles plaçaient sur les cheminées ou aux fenêtres de leurs appartements. Plusieurs centaines de variétés, toutes aussi curieuses les unes que les autres, ont d'ailleurs été créées.

L'Aquarium de Qingdao, inauguré en 1932, fut le premier aquarium public ouvert en Chine. Il existe d'ailleurs encore à l'heure actuelle, mais a été agrandi et un second aquarium, l'Underwater World Qingdao, a été ajouté à quelques dizaines de mètres du bâtiment d'origine.
En parallèle à la création de tous les Wild Animal Parks, la Chine s'est également doté, peut-être avec quelques années de décalage, les premiers ouvrant à la fin des années 1990, de toute une série d'aquariums et de parcs aquatiques. Bien que le concept soit commun, les noms utilisés sont variés, le simple mot « aquarium » n'étant peut-être pas assez accrocheur pour le visiteur. On retrouve ainsi aujourd'hui en Chine des dizaines d'Underwater World, d'Ocean World, de Polar Ocean World, d'Ocean Aquarium, de Sea Park, de Sea World et ainsi de suite.
Il s'agit à nouveau d'investissements importants, parfois réalisés en collaboration avec des entreprises étrangères. Installés sur plusieurs dizaines de milliers de mètres carrés, ces espaces zoologiques se concentrent sur la présentation de poissons et autres créatures marines dans divers bassins. Les grands aquariums pour requins ainsi que les tunnels vitrés sont très communs et fort développés. Pour attirer les visiteurs, un delphinarium est souvent créé au sein de ces parcs. Plusieurs espèces de mammifères marins y sont présentées en spectacle. En sus des traditionnels grands dauphins (Tursiops truncatus), on retrouve malheureusement aussi, et ceci très fréquemment, des bélougas (Delphinapterus leucas). Il s'agit la plupart du temps de jeunes individus, importés de Russie, et qui participent à des shows des plus sordides. La Russie est d'ailleurs un très bon fournisseur d'autres mammifères marins comme les pinnipèdes. J'ai ainsi pu observer en janvier 2007 au Qingdao Polar Ocean World trois otaries de Steller (Eumetopias jubatus), mais aussi une trentaine d'individus appartenant à cinq espèces cohabitant, plutôt mal d'ailleurs, dans un même bassin : otaries à fourrure du nord (Callorhinus ursinus), lions de mer de Californie (Zalophus californianus), lions de mer australs (Otaria byronia), phoques veau marin (Phoca vitulina) et phoques gris (Halichoerus grypus). En ce qui concerne les mammifères, on retrouve aussi de temps en temps des loutres de mer (Enhydra lutris) et des ours polaires (Ursus maritimus). Les manchots, souvent de plusieurs espèces, sont également un élément incontournable de ces parcs marins.

Pour revenir aux aquariums en tant que tels, certains, malgré un investissement considérable, sont de qualité très moyenne, voire médiocre, comme le Changfeng Ocean World à Shanghai, inauguré en avril 1999. D'autres, par contre, mais sûrement en nombre plus restreint, sont de très bonne facture. Le Shanghai Ocean Aquarium, inauguré en février 2002, que j'ai eu la chance de visiter en juillet 2007, m'a beaucoup impressionné, et reste probablement un des meilleurs aquariums que j'ai pu visiter jusqu'à présent. Son concept général, son organisation en zones thématiques, sa pédagogie si riche, concrète et précise, sa zone consacrée à la faune chinoise ou encore ses expositions temporaires participent à la grande qualité de tout l'établissement. Tout aquarium, qu'il soit d'ailleurs chinois ou implanté dans un pays occidental, devrait s'en inspirer. Les méthodes de pédagogie utilisées là-bas pourraient aussi sûrement être adaptées à un usage en parc zoologique.


Béluga au Qingdao Polar Ocean World - février 2007


Pédagogie au Shanghai Ocean Aquarium - juillet 2007

Centres de reproduction pour grands pandas et autres espèces chinoises

Nous ne pouvons quitter la Chine sans évoquer les centres de reproduction pour grands pandas. Cette espèce endémique possède un habitat particulier dans le centre du pays. Dès les années 1970, face à une pression grandissante des populations humaines dans cette même zone, de nombreux conflits et problèmes apparurent. De nombreux pandas durent être pris en charge par des zoos en vue de leur apporter des soins avant d'envisager d'éventuels réintroductions. Un certain nombre de ces pandas furent conservés en captivité pour former le noyau d'une éventuelle population reproductrice. En parallèle au nombre de plus en plus important de grands pandas récupérés, le souhait d'effectuer des recherches plus poussées quant à l'espèce se faisait de plus en plus ressentir. C'est ainsi qu'une collaboration entre le gouvernement chinois et le WWF permet d'établir en 1983 à Wolong le China Conservation and Research Center for the Giant Panda (CCRCGB). Le Zoo de Chengdu créa en 1987 un centre similaire à la périphérie de la ville, le Chengdu Research Base of Giant Panda Breeding. Enfin, en décembre 2003, le CCRCGB inaugura un troisième centre à 160 km au sud de Chengdu, le Bifengxia Base of CCRCGP. Ce dernier établissement est une véritable branche du centre initial de Wolong et permet la création d'une nouvelle sous-population captive, avec tout l'intérêt de conservation que cela représente.

A l'heure actuelle, le Bifengxia Base of CCRCGP possède une vingtaine de grands pandas, le Chengdu Research Base of Giant Panda Breeding une cinquantaine, tandis que près d'une centaine d'individus se trouvent au China Conservation and Research Center for the Giant Panda de Wolong. Cette population très importante a permis au fil des ans de très intéressantes et très utiles recherches quant à la biologie, la nutrition, les comportements, la reproduction, mais aussi le maintien en captivité de cette espèce si particulière. Depuis quelques années, la reproduction, autrefois très délicate, commence à être maîtrisée et un peu plus d'une trentaine de grands pandas ont vu le jour en captivité en 2006, puis le même nombre en 2007. L'insémination artificielle, élément important étudié à Wolong et Chengdu, est utilisé aujourd'hui relativement fréquemment.

De tels succès de reproduction ont permis d'envisager la réintroduction d'individus dans le milieu naturel. C'est ainsi que Xiang Xiang, jeune panda né en 2002 au CCRCGB, fut relâché dans les montagnes du Sichuan le 28 avril 2006. Malgré une bonne adaptation à son nouveau milieu au cours des premiers mois, le corps de l'animal fut malheureusement retrouvé au tout début de l'année 2007. Les experts de Wolong conclurent que l'animal avait eu des difficultés pour imposer son territoire et trouver de la nourriture, et avait été tué par d'autres pandas. Un nouveau programme de réintroduction est actuellement en cours d'élaboration et inclura probablement une préparation plus longue avant tout relâché.
Le coût d'un tel programme est bien sûr discutable, surtout au vu des résultats envisageables. De plus, l'habitat originel du grand panda est encore fragmenté et en déclin. La création de couloirs naturels entre les réserves existantes devrait également être intensifiée.

Enfin, vouloir à tout prix la reproduction d'une population animale peut parfois amener à des décisions difficiles mettant en péril le bien-être individuel des animaux captifs. La grande majorité des nouveaux-nés sont retirés à la naissance des soins de leur mère et sont élevés par l'homme dans de modernes et luxueuses nurserys. Mais cela n'est-il pas aussi participer à un cercle vicieux avec des animaux ayant toujours des problèmes comportementaux et donc de reproduction ? Qu'en est-il aussi des femelles qui mettent bas dans des loges bétonnées, entourées de vétérinaires et soigneurs qui veulent à tout prix récupérer le nouveau-né ? Et de celles s'occupant de leur jeune dans ces mêmes loges sans n'avoir aucune possibilité de se soustraire à la vue des soigneurs ?


Grand panda au Chengdu Research
Base of Giant Panda Breeding - juillet 2007

Les enclos extérieurs des grands pandas que j'ai pu découvrir au Chengdu Research Base of Giant Panda Breeding et au Bifengxia Base of CCRCGP sont probablement les meilleures structures que l'on puisse offrir à ces animaux en captivité, à la fois en superficie et en aménagement naturel ; l'été, en raison des fortes chaleurs à l'altitude à laquelle sont installés ces centres, la majorité des pandas sont maintenus en intérieur dans des loges climatisées. Ces loges sont malheureusement petites, bétonnées, sans cachette ni coin de repos. De plus, les visiteurs sont alors amenés à se retrouver très proches des animaux.

Cela nous amène à évoquer un dernier point, celui de l'éducation du public. Ces centres de reproduction sont très visités et accueillent de nombreux touristes, étrangers et chinois. Un nouveau bâtiment éducatif a d'ailleurs été inauguré au Chengdu Research Base of Giant Panda Breeding en 2007 et offre une multitude d'informations. Des programmes de parrainage et de dons sont également bien développés. Le Bifengxia Base of CCRCGP a d'ailleurs été installé dans une zone fortement touristique, à quelques kilomètres à peine du Bifengxia Wild Animal Park. Un bon équilibre entre centre de recherches et centre touristique semble avoir été trouvé pour le moment et nous pouvons espérer que cet équilibre soit conservé.

La location de grands pandas à des zoos étrangers a connu une période relativement calme dans les années 1990, en particulier en Europe. Face aux récents succès de reproduction et au désir toujours plus grand des parcs zoologiques de présenter cette espèce emblématique, il est maintenant fort à parier que ces animaux feront de plus en plus leur apparition dans les zoos occidentaux au cours des prochaines années. Deux pandas ont ainsi été accueillis au Zoo Aquarium de Madrid (Espagne) en septembre 2007 et une naissance a déjà été enregistrée au Tiergarten Schönbrunn de Vienne (Autriche).

La Chine possède également un certain nombre d'autres espèces endémiques et emblématiques. Plusieurs centres de reproduction et de recherche ont été créés au cours des vingt dernières années sous la tutelle de divers parcs zoologiques majeurs, de la Chinese Association of Zoological Gardens et de la China Wildlife Conservation Association. Ils se concentrent sur diverses espèces dont les rhinopithèques, les langurs de François, les alligators de Chine...

Les fameux tigres de Chine (Panthera tigris amoyensis), sous-espèce de tigre endémique du pays et considérée comme la plus menacée, représente également un bon exemple. Son statut dans la nature est fortement incertain et moins d'une trentaine d'individus survivraient dans le sud de la Chine. Un programme de reproduction a été établi dans plusieurs zoos chinois et la population captive a atteint aujourd'hui un effectif d'une cinquantaine de tigres.

Li Quan, une Chinoise vivant à Londres, a créé l'association Save China's Tigers (www.savechinastigers.org) en 2000. Celle-ci s'est développée ensuite grâce à des fonds privés. En 2002, un terrain de 330 km² fut acquis en Afrique du Sud et plusieurs tigres de Chine nés dans des zoos chinois y furent envoyés dès 2003 pour apprendre à chasser et à vivre en milieu naturel en vue d'une éventuelle réintroduction dans la nature en Chine. Des personnes, comme Li Quan, espère que le gouvernement chinois prouvera sa bonne volonté par de telles réintroductions dès 2008, année des Jeux Olympiques d'été à Pékin. Une question pourtant me taraude à propos de tout ce programme... Faut-il importer si loin de Chine un programme de conservation pour qu'il réussisse ? Ne serait-il pas plus judicieux d'abord de se concentrer sur les habitats restants dans le pays et d'assurer une population captive viable ?


Tigre de Chine au Shanghai Zoo - juillet 2007


Rhinopithèque de Roxellane au Beijing Zoological Gardens - juillet 2007

Moon Bear Rescue Center, centre de récupération d'ours à collier

Avant de quitter la Chine et de conclure ce bref aperçu des espaces zoologiques de ce pays, je souhaiterais encore m'attarder un peu sur un autre parc, visité le 14 juillet 2007. Le Moon Bear Rescue Center est situé à Longqia, à une trentaine de kilomètres au nord de Chengdu. Il a été inauguré en décembre 2000 par Jill Robinson, fondatrice et présidente de l'Animals Asia Foundation (AAF, www.animalsasia.org). En juillet de la même année, un accord avait été signé entre la China Wildlife Conservation Association, la Sichuan Provincial Forestry Department et l'AAF en vue de stopper l'élevage d'ours pour recueillir leurs sécrétions biliaires. Selon cet accord, l'AAF rachètera les ours des fermes d'élevage qui accepteront d'arrêter ce commerce et récupèrera également leur licence d'exploitation. Les autorités régionales assurent, quant à elles, qu'aucune nouvelle licence ne sera délivrée. Tout ceci a été organisé dans l'objectif d'arrêter à terme l'élevage cruel des ursidés pour leur bile. Les premiers ours, majoritairement des ours à collier (Ursus thibetanus), furent rapidement accueillis au Moon Bear Rescue Center. Lors de ma visite en juillet 2007, le centre possédait 180 plantigrades dans de superbes enclos naturels. Les soins apportés aux animaux, qui arrivent souvent au centre dans des conditions de santé très précaires, sont très développés et exemplaires. Maintenant que le Moon Bear Rescue Center est relativement bien implanté, et tout en continuant l'accueil de nouveaux ours et la construction de nouveaux enclos, la pédagogie commence à être développée. De nombreuses écoles sont déjà accueillies régulièrement et le centre dispose d'un petit musée à propos des ours et de leur exploitation pour la médecine traditionnelle. Jusqu'à présent, les visites, pour les locaux, mais aussi pour les touristes étrangers, ne se faisaient que selon un programme établi à quelques dates précises par mois, mais il est maintenant envisagé d'ouvrir le centre au public et d'intensifier le nombre de visites guidées. Tout ceci est bien sûr très important dans une logique d'approche générale du problème.
Le Moon Bear Rescue Center représente un superbe exemple d'un projet prenant en compte le bien-être animal, mais les fonds utilisés pour la création de ce centre et son entretien proviennent tous de l'étranger. De plus, la majorité des employés sont également des ressortissants étrangers. Comment aurait-il été possible d'impliquer à plus grande échelle la Chine et ses caractéristiques ? Comment ressent la population locale cet apport de fonds si important alors qu'une bonne partie d'entre elle vit elle-même dans la précarité ? L'ouverture au public et la création de liens plus forts avec les locaux pourront peut-être permettre de répondre à ces questions.

Conclusion

Nous voici donc arrivés à la fin de notre périple chinois et de notre aperçu des espaces zoologiques de ce pays. Comme nous l'avons vu, une évolution assez importante, et surtout rapide, a été observée au cours des dernières décennies. Beaucoup de choses restent encore à améliorer et à modifier. Un point important est sans aucun doute l'enrichissement du milieu, domaine encore si peu considéré en Chine. Celui-ci pourrait permettre d'améliorer rapidement, de façon simple et à relativement faible coût, le quotidien de nombreux animaux captifs. Il semblerait qu'une équipe de volontaires s'est organisée récemment au Zoo de Pékin pour y développer des méthodes d'enrichissement. Une collaboration et une aide des zoos occidentaux pourraient également être envisagés, comme cela s'est fait à la fin des années 1980. Cela pourrait être fort profitable pour les deux partis... L'avenir nous le dira !
L'éducation et la pédagogie sont aussi des domaines porteurs à développer de toute urgence. Peut-être même encore plus que dans nos pays occidentaux, les zoos chinois disposent d'un incroyable potentiel, au vu du nombre de visiteurs qu'ils accueillent chaque année. La possibilité de faire encore changer les choses et de conserver le patrimoine encore existant en Chine, au moins partiellement, ne sont pas à négliger non plus. Malgré la course en avant si effrénée, il est peut-être encore temps de changer les choses... L'année 2007 a vu l'annonce officielle de la disparition du dauphin du Yangzi Jiang (Lipotes vexillifer), seule espèce de son genre et animal endémique à la Chine. Espérons que les années à venir apportent, quant à elles, de bonnes nouvelles quant au tigre de Chine et à toutes les espèces magnifiques de ce pays, ainsi que des marques d'évolution des divers espaces zoologiques.

Jonas Livet - février 2008

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